Compte-rendu du débat sur la présidentielle américaine

par 31-10-2024Actualités, Politique, Rencontres publiques

Retour sur le débat organisé, le 17 octobre dernier, à Paris, opposant Nicolas Conquer, porte-parole du parti Républicain en France, à Ellen Kountz, ancienne élève de la prestigieuse Wharton School of Business aux États-Unis et auteur du livre « Portaits de Veep, l’incroyable histoire de Kamala Harris » (Librinova, 2022).

Compte-rendu d’un échange riche et éclairant sur une élection dont les rouages sont moins connus qu’on ne le croit.

Alors qu’elle n’est composée que d’un seul tour où deux partis principaux se confrontent, l’élection présidentielle américaine n’a que peu à voir avec son homologue française. Les suffrages des citoyens permettent d’investir dans chaque État les membres du collège électoral qui voteront pour le futur président. Les voix valent cher dans les huit « États pivots », où la majorité peut basculer de peu, d’un côté comme de l’autre. En effet, dans 48 des 50 États, la règle du winner-take-all permet au vainqueur de « raffler » tous les grands électeurs. La Pennsylvanie qui rapporte jusqu’à 19 grands-électeurs est l’État pivot le plus convoité. C’est là que de petites minorités abstentionnistes sont particulièrement courtisées par les candidats.

Le Project 2025 est évoqué d’emblée par Ellen Kountz avant de développer son opposition à une victoire de Donald Trump. Ce document de plus de 900 pages, porté par le très conservateur think thank Heritage Foundationse veut une feuille de route visant à démanteler « l’État administratif » tel qu’il existe, si Trump arrivait au pouvoir. Ce programme remet en question, selon elle, le système démocratique américain où le pouvoir exécutif est régulé par des lois et des institutions.

Ellen Kountz pense, par ailleurs, que Donald Trump n’est plus l’homme nouveau qu’il était en 2016. Bien que tout le monde connaissait le personnage à travers son émission The Apprenticeou ses hôtels-casino, son arrivée en politique était séduisante. L’effet surprise se serait maintenant estompé. Elle cite ainsi Nikki Healy, adversaire de Donald Trump pendant la primaire républicaine : « celle qui se sépare du candidat de 80 ans va gagner. Soit c’est moi, soit c’est Kamala Harris ».

Pour Ellen Kountz, Kamala Harris est une candidate de centre-droit, tout à fait crédible étant donné son parcours réussi : d’abord comme procureur générale réélue, puis comme sénatrice, avant de rejoindre Joe Biden comme colistière. Dans la lignée du mot hope : « espoir »promu par Barack Obama, Kamala Harris met en avant le mot joy : « joie », pour réunifier un pays fracturé. Son plan économique s’appelle « Opportunity economy » et prône non pas l’égalité de résultats mais celle des moyens. Elle propose concrètement des crédits parentaux, des crédits pour les foyers face à la crise du logement et une enveloppe de 50 000 $ aux jeunes entrepreneurs. Souvent décrite comme une californienne progressiste par ses détracteurs, la sévérité de Kamala Harris était pourtant critiquée par la communauté afro-américaine à l’époque où elle était procureur. Elle s’est d’ailleurs démarquée en obtenant des ralliements importants venant de l’aile droite du Parti républicain comme l’ancien vice-président Dick Cheney et Liz Cheney, sa fille. Comme pour définitivement muscler ce bras droit, Harris a récemment avoué dans une interview accordée à Oprah Winfrey qu’elle portait une arme.

Nicolas Conquer rétorque que c’est Kamala Harris qui se positionne contre les institutions puisqu’elle veut supprimer le filibuster : processus permettant au Sénat d’entraver l’adoption de certains textes, afin de faciliter l’adoption de mesures favorables à l’avortement ou l’immigration. Il pointe du doigt d’autres projets Démocrates comme la volonté d’augmenter le nombre de juges à la Cour Suprême et de reconnaître Porto Rico et Washington DC comme nouveaux États, en espérant gagner quatre nouveaux sénateurs. 

Raillant le renouveau apporté par Kamala Harris, qu’il voit comme un pur produit de l’establishment démocrate, Conquervante en revanche la combativité de Donald Trump après avoir subi deux tentatives d’assassinat, dont Biden et sa vice-présidente, garants de la sécurité des candidats, sont en partie responsables. Il rappelle, en outre, que Kamala Harris avait été classée parmi les membres les plus à gauche du Parti démocrate par l’organisme indépendant GovTrack.us. Son choix de prendre le progressiste Tim Walz comme colistier, les aides économiques exclusivement prévues pour les afro-américains devraient suffire à ne pas se laisser duper par sa stratégie électorale. Nicolas Conquer croit davantage aux compétences de businessman de Donald Trump pour répondre aux attentes de ses compatriotes. Ce dernier a, lui aussi, attiré des personnalités du camp adverse, notamment Robert F. Kennedy Jr.

Le clivage entre les 2 candidats est, selon le porte-parole des Républicains overseas, celui de la méritocratie contre la discrimination positive, celui du bon sens contre le wokismequi noyaute la jeunesse. Pour Nicolas Conquer, les dérives sociétales des Démocrates entraînent une dynamique favorable aux Républicains dans les États du sud. Il observe notamment que le vote latino se tourne en partie vers Donald Trump et que l’ancien homme d’affaires séduit en moyenne le double de personnes dans l’électorat noir que ses prédécesseurs républicains, ce qu’Ellen Kuntz elle-même reconnaît.

Conquer souligne enfin qu’aucune guerre n’a été déclenchée sous le mandat Trump alors que la Russie avait envahi la Crimée quand Barack Obama était président et l’Ukraine pendant l’exercice de Joe Biden. Ellen Kountz faisait remarquer toutefois que le positionnement des candidats en matière de politique étrangère n’apparaît aucunement dans les priorités des américains.

Alors que les écarts dans les sondages sont plus serrés que jamais, qui s’imposera ? Réponse le 5 novembre prochain.

Martin Dousse

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