La France attend un moment d’autorité 

par 16-01-2024Actualités, Politique, Tribunes

La France d’aujourd’hui a perdu de sa splendeur. Elle est prise dans un tourbillon permanent d’informations, de contre-vérités ou de contradictions qui l’éloignent de l’essentiel qu’étaient ses valeurs partagées et collectives faisant son unité et sa souveraineté nationale. Des crises migratoires à la guerre en Ukraine ou au conflit Israélo-Palestinien, en passant par le danger que représente le réchauffement climatique, tout démontre que nous sommes au bord du chaos. Surtout, « chaos » renvoie à la perception des peuples que le cours des choses, marqué par la globalisation néolibérale, leur échappe concrètement et, pire, intellectuellement. Un grand nombre de citoyens français se sentent alors perdus et désespérés quant à leur avenir.
Ils ne trouvent plus l’énergie nécessaire pour dépasser leurs doutes et prendre à nouveau des risques ce qui faisait le propre du « génie français ».

Après la nomination de Gabriel ATTAL, le président a voulu organiser une conférence de presse pour s’adresser aux français dans « une prise de parole forte », un moment d’autorité qu’attend la France mais quel doit-il être pour que cela ne se réduit pas juste à un moment de communication ? Ce moment doit à la fois nécessairement engager un combat féroce contre nos nouveaux ennemis, interroger les élites sur leur rôle et responsabilités et enfin prendre une initiative à la fois personnelle et collective.

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Les 3 grandes menaces qui désignent nos trois grands ennemis 

Depuis une trentaine d’années, avec la fin de la guerre froide, il semble que nous n’avons plus d’ennemi. L’affrontement Est-Ouest et la division du monde en deux blocs idéologiques hostiles avaient pris fin avec la victoire apparente de l’Occident. Notre ennemi avait disparu ou, du moins, il n’était plus identifiable. L’Europe et la France se trouvait dans une situation particulière, où ses « frontières ne semblent plus immédiatement et directement menacées », pouvait-on lire dans le Livre blanc de la défense de 1994, le premier depuis 1972 qui présentait les grandes lignes de la stratégie du pays dans la nouvelle réalité de l’après-guerre froide. « La France ne se connaît pas aujourd’hui d’adversaire désigné », soulignait le document du ministère de la défense prenant acte de ce fait inédit. Parler même d’ennemi à cette époque pour les politiques semblait être incongru. Certes, il restait des menaces, mais elles étaient d’un autre ordre.

Le fait de ne pas se connaître d’adversaire ne signifiait pourtant pas qu’il n’y en avait pas. Bien au contraire avec la résurgence du terrorisme islamique au début des années 2000 qui avait changé d’échelle avec les attentats du « 11 septembre », ou avec AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) qui désignait officiellement la France comme son ennemi. Le monde militaire en France et celui du renseignement avaient correctement documenté le monde politique mais celui-ci n’a jamais vraiment sérieusement apprécier cette menace ou plutôt souhaitait qu’elle soit traitée loin de nos frontières et de l’opinion publique. C’était sans compter sur les capacités du terrorisme Islamique mu en « état » qui allait nous attaquer durement sur notre sol en 2015 … Avons-nous alors pris conscience de la menace et de l’ennemi qu’il nous fallait combattre ?  A en juger les budgets que nos gouvernements et les présidents ont alors alloués pour la Défense et la Sécurité jusqu’à maintenant, visiblement pas encore… C’est pourquoi en 2017 le général Pierre De Villiers le CEMA qui avait à nouveau alerté sur le niveau de la menace et à qui il avait été clairement promis un effort, s’est retrouvé trahi au moment des arbitrages…Il ne lui restait plus qu’à démissionner … Depuis l’ennemi de l’intérieur « sécessionniste » a encore durement frappé ! 

Cette menace sécessionniste pilotée par l’extérieur, peut objectivement compter comme alliée, une autre idéologie qui elle menace l’unité de la France depuis l’intérieur. Elle traduit l’idée que la France n’est pas une réalité à la fois sociale et culturelle définie et permanente qu’il nous faudrait transmettre. Cette menace portée par un courant de pensée « libertaire » veut clairement déconstruire notre identité. On parle souvent d’une menace islamo-gauchiste mais il faut davantage parler à notre sens de menace « nihiliste ». Un système de pensée politique qui vise à la destruction de toutes les institutions religieuses, sociales, politiques en France, un nihilisme politique, qui nie les structures sociales et politiques historiques qui font encore la France dans l’espoir que de nouvelles structures soient créées à leur place. Le nihilisme nie la civilisation, c’est même sa seule raison d’être ; mais une telle négation peut prendre différentes formes dans l’histoire. En Europe, aux XIXe et XXe siècles, il s’est agi de nier la civilisation dans sa vérité première ; une vérité qui requiert un fragile équilibre entre la science et la morale. Cette menace est réelle et prospère depuis plusieurs siècles mais elle apparait aujourd’hui sous un nouveau jour : le wokisme. Le nihilisme woke ne nie pas la « vérité morale » que comporte notre civilisation démocratique, bien au contraire ; il vise à en établir pleinement l’autorité, mais par un engagement en faveur de la justice sociale qui s’accomplit à l’encontre de la science, de la raison, et même de la « Vérité ». Ce type particulier de nihilisme, né des tensions inhérentes aux sociétés libérales, brise l’équilibre entre la science et la morale, c’est-à-dire, en l’occurrence, la justice comprise comme l’expression d’une vérité morale. Le nihilisme « woke » semble moins radical que son prédécesseur, mais il n’en conduit pas moins à d’étranges paradoxes intellectuels qui font notre perplexité aujourd’hui. L’une des expressions les plus déroutantes de cette figure du nihilisme réside dans le refus de l’universalité de la science, mais aussi dans la négation, au nom de la justice, des vérités apportées au monde par les traditions, la culture humaniste et la philosophie occidentale.

Enfin, la dernière menace qui d’une certaine manière épouse dans une forme de militantisme, les deux autres avec ses figures comme Sandrine ROUSSEAU et Greta THUNBERG, a pour particularité son discours catastrophiste. La crainte d’un effondrement planétaire hante les citoyens des pays occidentaux, engendrant chez certains des théories cataclysmiques qui peuvent influencer dangereusement les plus vulnérables qui alors s’engage de manière assez irrationnelle dans une forme de radicalité envers eux-mêmes et les autres. Le réchauffement climatique peut être un enjeu pour la société moderne mais pourquoi en faire l’objet d’un discours qui doit nécessairement faire peur ? Il n’est pas certain que faire cauchemarder la jeunesse, en particulier, promette une réaction rationnelle et raisonnable pour affronter l’avenir. Il faut savoir être critique notamment devant le catéchisme ânonné par des militants, mobilisant de bons sentiments et des images spectaculaires qui reposent sur des généralisations et des exagérations sans véritable vérification et fondement. Il semble nécessaire d’exercer notre jugement critique contre les restrictions et les contraintes apportées par une nouvelle orthodoxie. 

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Face à ces menaces et ces nouveaux ennemis que font nos élites ? 

A toutes les époques, les crises historiques dévoilent la valeur des élites et malheureusement pour l’instant, on peut convenir que celles-ci aujourd’hui sont clairement médiocres et ridicules, incapables de faire face aux enjeux.  Ce ne sont plus des Hommes mais les crises qui gouvernent le monde, quel constat affligeant…Pourtant en 1940, après une défaite cuisante, une élite s’était révélée capable de renverser le cours de l’Histoire, les vaincus devenant les vainqueurs permettant à la France de se redresser dans un grand mouvement d’unité, né de la résistance. La France redevenant une nation conquérante, puissante, innovante durant une période très active : Les 30 glorieuses. Et depuis, qu’est-ce qui fait que 50 ans plus tard cette même France est ridiculisée, chassée d’Afrique par des juntes militaires grotesques, fracturée et en bute aux émeutes et autres jacqueries populaires, bafouée dans son autorité, avec une économie en berne, la misère et l’insécurité partout installées ? 

Qu’est-ce donc qui a contrarié le destin de la France qui aujourd’hui apparait comme une puissance moyenne ? C’est la médiocrité de nos élites et particulièrement des 6 Présidents qui se sont succédés sur cette période, leur suffisance vaniteuse, leur désinvolture en affaire, leur inaptitude à bien s’entourer, leur laxisme, leur arrogance, leur incapacité à concevoir de grands desseins ou seulement à conserver ceux imaginés avant eux. 

Tout se délite dès lors que des individus insuffisants se succèdent au somment de l’Etat. L’unité se rompt quand la grandeur s’effondre. Et notre dernier président apparait, à bien des égards, comme une caricature.

Dégagé d’Afrique, humilié par Washington ou encore récemment par le Maroc, rembarré par les BRICS, inexistant sur l’Ukraine : les succès de Macron à l’international sont sans commune mesure….                                     « Vide de sens » : la diplomatie de la France sous Macron n’a « rien de rationnel», peut-on constater. L’agitation d’un Président impuissant ajoute au discrédit de cette diplomatie calamiteuse …Nous n’avons plus ni les moyens, ni les compétences de nos ambitions. Le signe évident d’un déclassement du pays.

La France pourtant porte en elle, un génie, une idée qui épouse l’histoire, une force régénératrice qui habite chaque Français, des plus modestes aux plus illustres. C’est quelque chose qui peut surprendre le monde, mais cette petite nation a toujours eu un destin hors du commun comme si elle avait été choisie, favorisée mystérieusement. Elle a trouvé par la grâce du ciel, à chaque époque difficile, un personnage, un homme ou une femme d’exception qui guide le peuple et ainsi le sauve du désastre. Elle attend donc son moment d’Autorité ! 

Rien ne semble pouvoir s’accomplir de grand politiquement et rien ne peut se transmettre sans le concours d’Hommes dont le génie, le caractère, la détermination inspirent, rassemblent et dirigent les élans d’un peuple.

En attendant la personne providentielle, la société civile doit reprendre elle-même l’initiative. C’est notre intuition en lançant notre projet de « société subsidiaire » 

Si on analyse l’histoire récente après l’effondrement du totalitarisme soviétique, il s’est ensuivit une transformation du système totalitaire en système « post-totalitaire » dans les pays satellites d’Europe de l’est, prélude à l’émergence d’une « société subsidiaire » antipolitique et ce, malgré un durcissement idéologique suite à l’effervescence sociale réprimée en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en Pologne. Projet de régénérescence sociale, l’idée de « société subsidiaire » se développe tout d’abord sous une forme « pré-politique » puis devient à proprement parler une nouvelle culture intellectuelle et sociale, cherchant à dissocier la société civile de la culture totalitaire. Cependant, la « société subsidiaire » est aussi porteuse d’un projet politique dans la mesure où elle cherche à circonscrire le pouvoir post-totalitaire, une idéologie dominante devenu tentaculaire aujourd’hui, en se posant comme « polis parallèle ». Le projet de « société subsidiaire », comparé à l’anarchisme sur la base de leur projet commun d’émancipation de la personne vis-à-vis du pouvoir politique, ne se situe pas dans la même finalité, celle de la recherche du bien commun. Plus qu’un simple projet réformateur, la « société subsidiaire » repense la philosophie politique à travers une nouvelle dialectique entre une société politique qui revêt la forme d’un État de droit minimal et une société civile dont le rôle de contrepouvoir est renforcé. La « société subsidiaire », en tant qu’instance médiatrice et le droit, en tant qu’instance conciliatrice, servent de garde-fous afin que le rapport État-société soit le plus équilibré.

Mais ce n’est pas le cas en France avec son Etat omnipotent et impuissant, chaque français et la société civile française doivent affronter un nouveau monde très incertain qui présentent de graves incohérences et déficiences sans que nous sachions comment faire. Il s’agit donc d’ouvrir et de s’ouvrir à des réflexions profondes et innovantes. C’est-à-dire : promouvoir des espaces de recherche et de collaboration qui doivent permettre une renaissance dans une dimension politique.

La réflexion sur le potentiel de la subsidiarité que l’IEP cherche à promouvoir dans ses contributions intellectuelles mérite un approfondissement et d’être accessible à tous dans un travail à la fois de mobilisation et de vulgarisation.

Il est bien dommage que seule une élite chrétienne encore éduquée soit en capacité de comprendre de quoi il s’agit. En effet le reste de la société et ses élites politiques autoproclamées sont bien incapables de comprendre et même d’apprécier l’importance du sujet. Pourtant la politique actuelle, a besoin d’être éclairée. Comment pouvons-nous abandonner et se satisfaire de la fin des réalités populaires, notre héritage civilisationnel à la fois laïque et chrétien qui ont fait la grandeur de la France.

Pour l’IEP, à juste titre, la « subsidiarité est un mot décisif en ce moment historique parce qu’il parle d’une chose très simple : la valeur de la « contribution de tous », où ce « tous » révèle l’importance d’une démocratie plus participative face à la démocratie représentative enfermée dans un système ou le pouvoir ne lui permet plus de s’exprimer.

Comme l’État et le marché, les acteurs principaux de notre système, ne savent pas imaginer un avenir meilleur, peut-on chercher à s’appuyer sur le troisième pilier celui de la société civile ? Il semble bien qu’il est le seul à pouvoir rétablir l’ordre et l’équilibre. De toute évidence, l’Etat et le marché ne sont plus capables, seuls, de faire face aux problèmes sociaux et à leurs nouvelles structures, incapables également de développer un comportement social différent et plus responsable. Ainsi pouvons-nous, nous-même et la société civile, reprendre l’initiative en revenant à un traitement des difficultés de manière subsidiaire donc localement au plus près des réalités en redonnant à chaque personne sa capacité d’agir ? 

Pour l’IEP, c’est évident et c’est pourquoi il a créé un espace décisif de recherche et de collaboration, non seulement d’idées pour réfléchir, mais aussi d’action donc clairement (méta)politique.

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