Le mouvement MAGA

par 5-12-2024Actualités

Analyse des élections américaines

La victoire de Donald Trump est-elle celle du milliardaire ou du MAGA, le mouvement qui l’a soutenu ?

Au premier abord, il semble difficile de les dissocier mais en analysant bien, le MAGA semble être né bien avant lui et devrait certainement lui survivre.

MAGA, un Mouvement qui vient de loin

Le premier candidat à la présidence des États-Unis à utiliser l’expression « Make America Great Again » : Rendre à l’Amérique sa grandeur, c’est Ronald Reagan en 1980. Avec ce slogan Il est élu magistralement pour deux mandats. Le « Make America Great Again » repris en 2015, est devenu le MAGA, le mouvement des partisans indéfectibles de Trump, mais contrairement à son slogan, le mouvement populaire MAGA n’est pas né avec lui.

La révolution Gingrich

Connaissez-vous Newt Gingrich ? Il a pourtant été nommé « homme de l’année » en 1995 par le magazine Time. Il a 81 ans. Il est toujours influent. Et son idéologie politique aujourd’hui triomphe.

Il se fait élire comme républicain à la Chambre des représentants en 1978. Son parti souffre encore de la démission du président Richard Nixon et du scandale du Watergate quatre ans plus tôt. Le président, Jimmy Carter, est démocrate, les deux chambres du Congrès sont à majorité démocrate. Les républicains occupent l’arrière-ban du pouvoir.

Newt Gingrich se décrit comme un « authentique révolutionnaire ». Il veut faire la « révolution républicaine », pousser le parti vers la droite et arracher le pouvoir. La politique était beaucoup moins polarisée qu’aujourd’hui. En 1976, seulement la moitié de l’électorat pense que le Parti républicain est plus conservateur que le Parti démocrate.

Pour Newt Gingrich, les républicains ne sont pas assez méchants, « nasty ». La prochaine génération doit comprendre que la politique est une guerre sanglante. Pendant la campagne de 1990, un document encourage les candidats à « parler comme Newt » en utilisant des mots vindicatifs contre les démocrates : « anti-enfants » « malade », « détruire », « radical ».

Un vocabulaire aujourd’hui dans la bouche des leaders du MAGA : Donald Trump répète inlassablement que les démocrates ont « détruit » le pays. J.D. Vance, son mordant colistier à la vice-présidence, affirmait dés 2021 que les démocrates étaient « anti-enfants ».

La stratégie de Newt Gingrich réussit aux élections de mi-mandat en 1994, sous la présidence de Bill Clinton. Les républicains obtiennent la majorité à la Chambre des représentants pour la première fois en 40 ans.

La mentalité d’affrontement de Newt Gingrich guidera le Tea Party, un mouvement de droite créé en réaction à l’élection de Barack Obama.

Naissance du Tea Party

« Combien d’entre vous veulent payer l’hypothèque de leurs voisins qui ont une salle de bain en plus et qui ne peuvent payer leurs factures ? Président Obama, écoutez-vous ! ? ». Cette tirade est lancée par Rick Santelli, commentateur à CNBC, en direct de la Bourse de Chicago en février 2009.

Barack Obama, fraîchement élu, vient d’annoncer une aide de 75 milliards pour aider 9 millions de propriétaires victimes de la bulle immobilière.

Ces familles ont acheté des maisons qu’elles n’ont pas le moyen de payer, trompées par les banques américaines qui spéculaient sur leurs hypothèques. Lehman Brothers Holdings fait faillite. La Bourse sombre. Le président George W. Bush a adopté un plan de 700 milliards d’argent public pour sauver les banques. Obama, qui lui succède, fait voter un budget de près de 800 milliards pour endiguer la pire crise depuis 1929.

L’appel à la révolte de Santelli devient viral. Des manifestations s’organisent partout au pays. C’est le début du Tea Party, qui signifie « Tax Enough Already » ou « assez taxés comme ça ». Ce nom fait aussi référence au Boston Tea Party de 1773, quand les colons américains jettent à la mer une cargaison de thé pour protester contre les taxes britanniques.

Fox News, chaîne d’information conservatrice, devient alors le porte-voix du Tea Party : 63 % de ses partisans s’y abonnent.

Ils évoquent la création d’un troisième parti politique, mais préfèrent noyauter le Parti républicain. En 2010, aux élections de mi-mandat, le Tea Party appuie 138 candidats. Une cinquantaine d’entre eux sont élus. Les républicains reprennent le contrôle de la Chambre des représentants.

Les élus du Tea Party n’hésitent pas à s’opposer à l’establishment républicain, qu’ils jugent trop mou avec les démocrates. En 2013, ils entraînent la paralysie du gouvernement fédéral dans l’espoir de bloquer les fonds de l’Obamacare, le plan honni d’assurance maladie pour tous. Les militants du Tea Party ne veulent pas payer pour les autres, point final.

Le Tea Party, sans parti et sans leader, s’affaiblit peu à peu. Il renaît de ses cendres avec l’arrivée de Donald TRUMP sur la scène politique.

La révolution MAGA

Newt Gingrich adore raconter qu’en 2015, Donald Trump l’invite à déjeuner et lui pose des questions « très intelligentes » sur son expérience politique. Donald Trump gagne l’élection de 2016, appuyé par le mouvement MAGA, renaissance du Tea Party, selon lui. Dans le livre du journaliste Tim Alberta American Carnage, Trump dit : « Ces gens sont toujours là. Ils n’ont pas changé d’avis. Le Tea Party existe toujours, excepté qu’il s’appelle maintenant Make America Great Again. »

Dans son discours d’assermentation comme président, il évoque « les usines rouillées éparpillées comme des tombes à travers le paysage de notre nation… le crime et les gangs et les drogues qui ont volé trop de vies… Nous avons enrichi les industries étrangères aux dépens de l’industrie américaine… Ce carnage américain s’arrête ici… Ensemble, nous allons rendre l’Amérique à sa grandeur ».

Un républicain sur cinq se déclare membre du mouvement MAGA, selon un sondage de Morning Consult réalisé en juin dernier. Minoritaires mais entièrement fidèles à Donald Trump, plus qu’au Parti républicain.

Le portrait type des militants du MAGA ressemble trait pour trait à ceux du Tea Party.

Ils se sentent dépossédés de leur pays, de leur identité, de leurs valeurs traditionnelles qu’ils estiment menacées par l’immigration, le wokisme. Ils veulent retrouver « leur » Amérique.

Ils souhaitent la fin de l’immigration illégale, sont contre l’avortement et la restriction des armes à feu. Ils estiment que les emplois des Américains ont été vendus à l’étranger. Ils voient en Donald Trump un président capable de détrôner l’establishment qui les a trahis. Ils applaudissent son effronterie, son instinct de confrontation.

MAGA, un mouvement qui s’inscrit dans la durée

Le parti républicain apparaît aujourd’hui définitivement comme la rencontre du mouvement populaire MAGA et de Donald Trump. Effectivement à la convention du mois d’août dernier, le Parti républicain est devenu celui de Trump et du mouvement MAGA. Son slogan « Make America Great Again » était partout. Mais c’est l’attentat contre D. Trump et son spectaculaire geste de défi « Fight, Fight, Fight », qui réunit définitivement le destin du MAGA à celui du milliardaire, alors perçu comme un homme que Dieu a protégé pour qu’il rende à l’Amérique sa grandeur.

Le rêve de Newt Gingrich de faire du Parti républicain un opposant intraitable au Parti démocrate s’est réalisé. Ses stratégies d’affrontement sans merci, de vocabulaire vindicatif, de déclarations incendiaires qui attirent la couverture des médias triomphent. Ce mouvement a aujourd’hui à la grande surprise des observateurs, une assise dans toutes les catégories populaires. Il s’est installé pour durer car conscient de lui-même et de sa mission, il doit rendre à l’Amérique sa grandeur, une révolte existentielle devenu un projet politique perpétuel dans la tête de chacun de ses partisans. 

Pour conclure cette analyse, il semble intéressant de se poser la question à savoir : La France pourrait-elle connaitre un même phénomène ? Il semble, nous reviendrons dessus prochainement, qu’un « MAGA français » existe déjà mais contrairement aux USA, il n’a pas trouvé sa traduction politique. A suivre

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