Un vote Pour la France

par 20-06-2024Actualités, Politique

Passer du Statut d’électeur à celui d’acteur !

Parmi les électeurs, il y a ceux qui sont passifs même si leur choix est fait, et il y a ceux qui convaincu, sont prêts à entrer dans une révolte existentielle dépassant une simple posture d’attente.

Il est utile de se rappeler avec l’essai « L’Homme révolté » d’Albert CAMUS, l’époque de la libération marquée par la prise de conscience d’une insécurité et d’une violence insigne. Bien plus que par les guerres, le monde aurait alors pu disparaître par le désespoir devant ce que de nombreux hommes avaient fait ou accepté. Albert CAMUS distingue l’absurde (sentiment de la culpabilité personnelle), de l’idéologie. Il appelle tous ceux qui partagent ce sentiment de l’absurde à ne pas chercher à l’effacer pour se réfugier dans l’idéologie, mais à puiser dans la confrontation avec l’absurde la force de vivre, et à trouver un sens à la vie en surmontant la logique qui nous conduirait implacablement dans une impasse et au désespoir.

Pour Albert Camus, la révolte est le début de la conscience, « la perception, soudain éclatante, qu’il y a dans l’homme quelque chose à quoi l’homme peut s’identifier, fût-ce pour un temps ». La révolte marque le « dépassement de l’individu dans un bien désormais commun… Si l’individu, en effet, accepte de mourir et meurt à l’occasion, dans le mouvement de sa révolte, il montre par là qu’il se sacrifie au bénéfice d’un bien dont il estime qu’il déborde sa propre destinée ».

L’IEP a compris que le monde d’aujourd’hui, et particulièrement notre pays la France, ont besoin d’une refondation politique en défendant l’héritage de la civilisation judéo-chrétienne pour échapper au désespoir ou à une forme de folie qui peut conduire à la destruction.

L’art de la révolte existentielle est le plus difficile qui soit. En résistant, au nom de l’esprit, aux formes et aux forces qui paraissent le menacer, un citoyen prend le risque, non seulement de passer pour un réactionnaire, ce qui n’est rien, mais encore de se tromper sincèrement de combat et confondre la résistance de l’esprit avec l’esprit de résistance, ce qui compromettrait sans remède la cause qu’il voudrait défendre.

On peut ainsi résumer la nature du drame vécu par l’Occident chrétien et que nous désignons généralement sous le vocable de crise de civilisation.

La Tradition et notre art de vivre ne vit que par la participation de chaque français, en effet, c’est qu’en réalité aucune tradition ne tient et ne dure par elle-même. La tradition n’a d’autre force que celle de notre fidélité, elle n’existe et ne vit que de notre existence et de notre vie. Que nous cessions de lui donner forme en la pratiquant et, immédiatement, la voici renvoyée au néant. Dans son sens absolu, la tradition est une permanence et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a été juger bon, beau ou vrai, avec le devoir de le transmettre et de l’enrichir. Il s’agit des valeurs, des coutumes et des manifestations qui sont conservés socialement du fait d’être considérés estimables et que la communauté souhaite transmettre aux nouvelles générations.

La tradition attend que nous nous donnions à elle. Totalement impuissante à nous contraindre, elle n’espère qu’en la noblesse native d’un Homme capable de se donner à ce qui le dépasse, capable de suspendre les sollicitations de l’immédiat et de l’utile, pour devenir le serviteur de l’invisible et du Transcendant. Depuis maintenant plus de deux siècles, l’idéologie progressiste nihiliste s’acharne à vouloir libérer l’être humain des traditions dont ils disent qu’elles l’écrasent ou l’aliènent, afin qu’il puisse redresser sa tête sous un ciel désormais solitaire. Ce faisant, ils ne se rendent pas compte qu’ils le privent précisément de tout ce qui, dans l’ordre religieux ou politique, lui permettrait de ne pas s’effondrer. La verticalité spirituelle n’est jamais acquise, l’Homme n’en est jamais le possesseur. La persévérance et la fidélité, sans le souci d’en obtenir une récompense, sont bien la traduction de l’amour et de la générosité. On retiendra donc que l’Homme qui possède déjà une noblesse native qui, en se donnant à ce qui le dépasse, et en se mettant au service du Transcendant, acquiert, juste à ce moment-là, la dignité de son engagement.

Un Mouvement d’auto-défense social pour incarner collectivement cette révolte existentielle

Dans cet état d’esprit, nous trouvons un excellent modèle dans l’expérience des dissidents au régime communiste tchèque. Le dramaturge et prisonnier politique Václav Havel et ses proches on écrit, sous des degrés d’oppression et de persécution inimaginables pour nous, des essais qui offrent une saisissante vision de ce qu’est la politique chrétienne dans un monde où ses tenants sont une minorité impuissante et méprisée. Havel, mort en 2011, professait une « politique antipolitique », dont l’essence était de « vivre dans la vérité ». Il le développa magnifiquement dans son essai écrit en 1978, le Pouvoir des sans pouvoir, qui électrisa, à sa publication, les mouvements de résistance en Europe de l’Est. Un mouvement d’auto-défense sociale constituant une communauté contre-culturelle qui défende et recherche le bien de tous les autres.  Le mathématicien Vaclav Benda nous donne une bonne idée de ce que pourrait être cette vie meilleure. Fervent catholique, Benda contribua au mouvement dissident en créant le concept de « polis parallèle », une société à part, mais poreuse, qui se batte pour « préserver et renouveler la communauté nationale au sens large », La polis parallèle n’est donc pas une communauté retranchée derrière ses murs : elle vise à établir (ou rétablir) des pratiques et des institutions communes à même d’inverser les processus d’isolation et de fragmentation de la société contemporaine.

Un projet de refondation politique pour l’unité de la France

Comment appliquer aujourd’hui cette vision des dissidents tchèques, qu’on l’appelle « politique antipolitique » ou « polis parallèle » ? Défendre l’idée d’une société subsidiaire qui refuse de se fondre dans la masse européenne ou mondiale et préfère créer ses propres structures comme le suggère le « pari bénédictin ». Si nous voulons changer le monde, nous devons commencer localement. Les communautés opératives et efficaces doivent être réduites, car «au-delà d’un certain seuil, les liens entre les hommes – la confiance et la responsabilité – ne fonctionnent plus ». Elles devraient également « partir naturellement du bas », c’est-à-dire fonctionner de manière organique et non planifiée depuis un centre de décision. Elles naissent dans le cœur de chacun, s’étendent à la famille, puis au voisinage, au quartier, et ainsi de suite. Il nous faut nous révolter aujourd’hui contre cette préférence pour une vision trop centralisée donc belliqueuse des relations humaines et de la politique, pour faire connaître la réalité : l’homme est fait pour vivre de l’amour dans ses relations. « La revendication de la révolte est l’unité, la revendication de la révolution historique est la totalité… La première est vouée à créer pour être de plus en plus, la seconde forcée de produire pour nier de mieux en mieux. »

Dans ce monde où nous sommes poussés comme jamais auparavant à nous affirmer personnellement, l’absence de la famille et de la nation coupe notre volonté de toute force.

Il ne s’agit pas de revenir en arrière : la famille aujourd’hui est de toute façon bouleversée par le puissant individualisme qui se respire jusque dans les campagnes les plus reculées. La famille doit se réinventer, pas pour se soumettre à l’individu, mais pour transformer la puissance destructrice de l’individu en force personnelle. La nation aussi doit se réinventer : son autorité n’est pas absolue mais doit être choisie, comme le voyait RENAN. L’autorité doit convaincre, elle doit faire ses preuves.

La technique change réellement le monde. Elle rend possible et facile ce que jadis on n’obtenait que par un patient travail. L’autorité marque la limite entre ce qui fait du bien et ce qui fait du mal. Il ne faut pas laisser les individus (enfants ou adultes), aller au bout de leur folie pour comprendre, comme le prétendait Platon. Car à ce jeu les faibles payent le prix fort.

Nous avons besoin de l’autorité pour nous révolter. Un Etat souverain bienveillant, une autorité fondée sur l’amour sincère, qui veut la réalisation de la personne telle qu’elle est et dans l’époque où elle vit, et qui se réalise elle-même en cherchant à comprendre cette personne. Une autorité qui n’exaspère pas, et qui sait faire patienter jusqu’au moment où la personne est assez construite pour se révolter et devenir à son tour autorité.

Où en est la nation française ? C’est une fille aînée qui en voulant tracer de nouvelles voies s’est égarée. N’ayons pas peur de le reconnaître. C’est une responsabilité collective : le résultat d’un enthousiasme excessif devant le miracle économique des années 1960, qui s’est transformé en orgueil puis en mauvaise conscience. Nous avons cru pouvoir être plus généreux que les autres tout en travaillant moins. Cette terrible erreur nous pèse mais ne doit pas nous décourager.

L’heure de la révolte existentielle française est certainement revenue. Au milieu des crises à répétitions de ces dernières années, les vraies solidarités se sont renforcées. La force de la famille brille au-dessus de l’individualisme véhiculé par certains idéologues dépassés. Même le terrorisme islamiste révèle à nouveau l’âme française, capable de se défendre avec intelligence et courage.

Ce mouvement de fond change les choses. Les responsables politiques et économiques français doivent prendre le temps d’y réfléchir et comprendre que le pays a changé : ce n’est pas le changement qu’apporte la croissance économique, c’est celui qui donne la force d’affronter la réalité avec responsabilité. Bien d’autres pays ont connu pareils changements, depuis les pays d’Europe de l’Est au sortir des régimes autoritaires jusqu’au Royaume-Uni plus récemment.

Et en cette fin de printemps 2024, que nous sachions retrouver la confiance de ceux qui traversèrent les graves crises historiques (comme le général de Gaulle après la défaite de 1940) et évitèrent la disparition de la France.

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