Comprendre la guerre en Ukraine avec Alexandre del Valle et Harold Hyman

par 17-05-2022Politique

La guerre dans le Donbass semble se poursuivre. L’Ukraine est agressée quand la Russie avec son chef d’état Vladimir Poutine, est son agresseur. Pourtant, derrière ce que les médias donnent à voir, de nombreuses questions se posent, comme la véritable intention de Vladimir Poutine. Que se joue-t-il vraiment entre l’Occident et l’OTAN d’un côté et la Russie de l’autre ? La diplomatie est-elle encore utile ? Quelle est l’importance de l’information dans cette guerre ? Poutine pourrait-il aller jusqu’à actionner l’arme nucléaire ? Alexandre Del Valle, géopolitologue et Harold Hyman ont débattu dans le cadre d’une disputatio organisée le 11 mai dernier Salle Gaveau à Paris.

alexandre del valle

Commentaire introduction

L’Occident avait-il fait une promesse à la Russie ?

Pour Harold Hyman, non, l’Occident n’est pas engagé à l’égard de la Russie. Il y a bien eu la « célèbre promesse » de James Baker à Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est. Mais cela n’était qu’une promesse qui n’avait aucune valeur au plan diplomatique. Ce genre de choses peuvent être dites, y compris dans un processus verbal de discussion, mais ce n’est pas un traité. Et puis, il y a eu le mémorandum de Budapest de 1994 : ont signé le deal de l’arsenal ukrainien qui était restitué à la Russie, était héritier de l’union soviétique en échange de la ganraité des frontières, c’est à dire la Crimée.

Une promesse purement verbale a eu lieu, des preuves ont été retrouvées, les Etats-Unis ne peuvent pas le nier. La diplomatie du temps d’Eltsine n’a sans doute pas été assez ferme. C’était une « époque de déconfiture », on ne peut pas critiquer les Américains d’en avoir profité. Pourtant, Pour Alexandre del Valle, l’erreur des Américains et des Occidentaux est d’avoir sous-estimé que l’Etat profond russe pouvait se relever, en méprisant sans doute un peu trop la Russie.

Alexandre del Valle : Quel est le degré d’imbrication entre la Russie et l’Ukraine ?

Pour Alexandre del Valle, de son expérience de la Russie, l’imbrication entre Ukraine et Russie est extrême. la moitié des Ukrainiens, des Russes d’origine ukrainienne pro-russe, des russophones russifiés ou des Russes pro-Ukrainiens,… à l’image de la complexité territoriale. Alexandre del Valle s’appuye sur une comparaison avec la Catalogne : des Catalans d’origine andalouse sont plus anti-Espagne que les Catalans de souche. Poutine voit la partie occidentale de l’Ukraine comme une Russie « dépoutinisée ». L’imbrication est telle que l’action de Poutine s’explique en Ukraine. Selon l’essayiste et géopolitologue, la Russie n’est pas uniquement l’anti modèle pour l’Occident, l’Occident est aussi un anti-modèle pour la Russie.

Le journaliste franco-américain a rappellé que Poutine fait écrit un article diffusé sur le site du Kremlin en juillet 2021 : « de l’unité des Ukrainiens et des Russes ». Selon lui, les Ukrainiens sont des cousins perdus que l’on a ramenés, des méchantes gens les avaient attirés à l’extérieur… Si c’est vrai que 30 à 40% des Ukrainiens parlent russes entre eux mais connaissent l’ukrainien, le reste parle ukrainien mais connait le russe. Vladimir Poutine défend dans son texte que la Grand Russie soit la Russie de Moscou, l’Ukraine et la Biélorussie.

Au XVIIIe siècle, il y bien eu une grande imbrication et un brassage impérial sous la « Grande Catherine » puis avec l’Union soviétique, qui fait qu’Ukraine et Russie ont fusionné. Or, quand deux peuples fusionnés divorcent – comme c’est le cas entre les Serbes et les Croates – , c’est la « douleur généralisée » parmi les familles.

Quels sont les objectifs de guerre des protagonistes ?

Pour M. Hyman, il y a le Poutine idéologue et le Poutine géopolitique. L’Ukraine est trop près de Moscou, l’OTAN peut y installer des missiles… Mais le chef d’Etat russe cherche surtout à faire la Grande Russie … comme s’il y avait des Russes qui lui appartenaient, et qu’il devait les récupérer. Stratégiquement, il faut renverser le régime de l’Ukraine, et maintenant il dit qu’il faut reconstituer le Donbass et met « quatre fers aux feux ». Le but ukrainien est de récupérer une partie de l’Ukraine jusqu’à Sébastopol. Quant au but américain, c’était d’expulser la Russie et de la punir, de ne pas voir ce qu’ils voulaient protéger disparaitre. Quant aux autres pays, il participent à la sécurité car ils ont peur pour eux-mêmes : Estoniens, polonais… mais pas les Hongrois.

« L’objectif de guerre des Russes est la Novorossia » [Alexandre del Valle]

L’objectif c’est la « Novorossia » (Nouvelle-Russie) : l’idée est de priver l’Ukraine d’accès à la guerre, un objectif tactique. Une bataille autour d’Odessa que les Russes veulent reprendre. Objectif : Réduire l’Ukraine a 60%, et la priver totalement du contrôle et de l’accès à la Mer noire, une obsession des oligarques russes depuis deux siècles. L’objectif des Anglosaxonx a toujours essayé de faire en sorte que le Rimland + la Russie et l’Allemagne si y a une soudure allemande-russie. C’est une des menaces les plus stratégiques pour les Etats-Unis. George Friedman, cet de file de STRATFOR, quelqu’un qui représente un courant opérationnel, expliquait en 2015 que la menace n’était pas l’islamisme, pas non plus la Chine non plus, mais un rapprochement Allemagne-Russie. North-stream2 qui allait faire la jonction germanorusse. Pour Alexandre del Valle, les Etats-Unis ne lâcheront pas et se positionnent en Ukraine depuis 2005 environ.

A-t-on voulu piéger le chef d’État russe?

Pour Hyman, non, les Américains n’ont pas voulu piéger le dirigeant russe.

Alexandre del Valle : « Les Américains nous disent ce qu’il faut faire… »

Selon Alexandre del Valle, tout se passe comme si les patrons de l’Europe étaient les Américains : ils disent avec qui s’allier, ne pas s’allier, qui est bon, qui est méchant… L’Europe a vu un certain confort à participer à l’OTAN. Concernant « l’impérialisme non territorial », les Américains produisent une production qui tentante, une prospérité. L’Amérique est « tentatrice », et les Etats-Unis ont gagné une bataille culturelle importante en promouvant son modèle de société consumériste. Ceinturer une Russie en la privant Dans la priver la Russie de l’Ukraine pour qu’elle soit ramenée aux steppes et au froid.Alexandre del Valle estime que dans la pensée stratégique américaine, il faut priver la Russie d’un accès à l’Ouest et au Sud.

…mais l’influence culturelle entre les Etats-Unis et la France va dans les deux sens

Aurait-on pu éviter la guerre si l’on avait écouté Poutine ?

Alexandre del Valle au sujet de la Révolution orange : « les Occidentaux ont appuyé le changement de régime en Ukraine ».

Pour écouter le replay intégrale de la disputatio : cliquez ici

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