L’écologie intégrale, c’est d’abord l’écologie de l’intégralité de toutes les relations qui existent dans la nature. D’ailleurs, c’est tout simplement la définition de l’écologie qui est la science des relations d’un être vivant avec le reste de son environnement. Donc l’écologie intégrale serait, en quelque sorte, une remise en perspective philosophique de l’écologie elle-même.

Qu’entend-on par « nature » ?
La « nature » n’est pas seulement de la nature matérielle, à laquelle on pense quand on parle d’environnement et des questions écologiques. Il y a également, dans la nature, un « ordre naturel des choses ». Beaucoup de penseurs se révoltent contre cet ordre des choses, parce qu’il remet en cause la toute-puissance de l’homme. Beaucoup en rejette l’idée même, car la logique de ce concept conduit à une forme de « morale naturelle » et à un « droit naturel ». Il s’agit là d’anthropologie, c’est-à-dire de tout ce qui touche à la nature profonde de l’homme, et de toute la création.
Pour parler d’écologie intégrale, distinguons trois types de relations
Une « relation » est un lien, qui unit deux ou plusieurs êtres ou réalités. Mais quelle est la nature de ces liens ? Avec un peu de culture philosophique, on peut comprendre qu’il existe, en gros, trois types de relations. La première est la relation « arbitraire » relève de la comparaison intellectuelle. Par exemple, je peux établir une relation entre une petite et une grande personne. On pourra s’engager dans une recherche des causes de cette diversité. Pourquoi, certains sont grands et d’autres moins. On cherchera du côté de la génétique, du régime alimentaire, ou d’autres raisons. Mais la signification métaphysique de ce type de relation est faible et ne dit pas grand-chose sur l’essence de chacun de ces deux êtres. Second type : la relation « accidentelle » (ou occasionnelle) ne se fonde pas dans l’essence du sujet. C’est le cas par exemple d’une relation du disciple au maître. Quand le maître est absent, le disciple poursuit sa vie propre.
Troisième type de relation : la relation essentielle
La relation « essentielle » unit, par exemple, la Créature humaine au Créateur. Elle est qualifiée d’essentielle car on ne peut détruire, même par la pensée, le fondement de cette relation. Bien sûr que la créature poursuivra sa vie. Elle ne meurt pas biologiquement, mais elle est déconstruite ontologiquement. Sa vie intérieure n’a plus le même ressort, si l’intéressé croit simplement qu’il est le fruit du hasard. Dans la relation essentielle, il y a une forme de dépendance ontologique, c’est-à-dire de dépendance existentielle, entre les deux êtres en relation.
C’est l’encyclique Laudato si’ qui a popularisé le concept d’écologie intégrale.
Quand cette encyclique répète neuf fois l’expression « tout est lié », on est au cœur de ce concept de relation. On pourrait dire « tout est en relation » ou plutôt, « tout est relation ». Relisez le contexte des 9 citations où Laudato si’ affirme que « tout est lié », et vous verrez que dans le contexte où est évoqué ce propos, il s’agit bien de relations essentielles, c’est-à-dire faisant écho à l’essence même de notre existence, à ce qui constitue notre substance, notre nature.
L’écologie intégrale scrute l’intégralité des relations essentielles !
L’écologie traditionnelle traite des relations de cause à effet, alors que l’écologie intégrale scrute l’intégralité des relations essentielles, entre chaque homme et les autres créatures, humaines ou non humaines. C’est ce qui constitue la différence, entre écologie traditionnelle et écologie intégrale. Et c’est ce qui fait que chacune d’elle apporte des réponses à des questionnements différents. C’est bien pour cela que je m’attache à définir le mot « essentiel » qui est un concept philosophique.
Les quatre relations constitutives de l’écologie intégrale
Le mot « essence » renvoie au verbe « être ». L’essence d’une réalité, c’est ce qui fait que cette réalité existe, que cette réalité EST. Les philosophes disent d’ailleurs que les relations essentielles font écho à « l’essence même de l’existence ». En disant cela, notre pensée est obligée d’entrer en profondeur dans ce qui constitue notre nature, dans ce que les philosophes appellent notre substance. La subsistance est, en quelque sorte, le mode d’existence de la substance (ou nature). Les quatre types de relations qui fondent l’écologie intégrale sont celles avec les créatures non humaines, celles de la personne avec elle-même, celles de la personne avec autrui, et celles de la personne avec son Créateur.
- Dans ses relations avec les créatures non humaines, l’homme en découvre la substance qui est matière : la subsistance des créatures non humaines s’identifie à leur être matériel.
- Dans sa relation avec les créatures humaines, l’homme ressent bien que sa substance n’est pas que matérielle ; elle relève également de son esprit, et cela renvoie au concept philosophique de la personne. La substance de l’homme, c’est-à-dire son mode d’existence, c’est sa personne. On voit que la relation avec les personnes humaines a deux dimensions :
- la relation profonde avec soi-même. C’est un second type de relation qui est propre de l’homme de pouvoir entrer dans la profondeur de sa personne.
- Mais la seconde dimension consiste à entrer en relation avec les personnes autres. C’est un troisième type de relation impliquant le concept philosophique d’autrui. Malheureusement aujourd’hui, l’enseignement philosophique du concept d’autrui, est de plus en plus inexistant. L’idéologie ambiante privilégie l’humanisme, c’est-à-dire le concept du « nous », au mépris du concept du « je » et du personnalisme.
- Un quatrième type de relation est celle de l’homme à son Créateur : Pour des croyants, quelle que soit leur religion, nous ajouterons un quatrième type de relation qui est celle qui lie l’homme à Dieu. Mais qu’est-ce que Dieu ? Une personne en laquelle essence et relation s’identifient. Ce qui ferait l’unité de Dieu, c’est la relation indissoluble entre sa nature et son mode d’existence.
Si une seule de ces quatre relations essentielles vient à disparaître, c’est toute l’écologie intégrale qui s’effondre.
Source : https://www.larminat.fr/les2ailes/



