Le législateur est-il compétent pour définir le mariage ?

par 20-09-2013Politique

La conformité de la loi Taubira à l’article 34 de la constitution mériterait d’être examinée par le Conseil Constitutionnel. Même si le conseil constitutionnel n’a jamais entravé le législateur lorsqu’il ne respectait pas les compétences qui lui sont attribuées par l’article 34 de la constitution, la capacité du parlement à légiférer sur la définition du mariage peut être discutée au regard de la lettre et de l’esprit de notre constitution.

Pour le moment, le code civil ne définit pas le mariage.

Les articles législatifs 75 et 144 qui renvoient au fait que le mariage unit un homme et une femme ont été jugés conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci, dans sa décision du 28 janvier 2011, a montré qu’il n’y avait pas rupture d’égalité entre les couples de même sexe et les autres, car leur situation n’était pas identique. Le législateur pouvait donc légitimement prévoir un traitement différent suivant les types de couple. Est-ce à dire pour autant que le législateur est compétent pour définir le mariage, comme le sous-entend le Conseil Constitutionnel lorsqu’il renvoie à ce dernier le soin d’examiner une éventuelle modification du Code civil ?

On peut en douter au regard de la lettre de l’article 34 de la Constitution qui fixe limitativement le domaine de la loi. Celui-ci prévoit en effet que « la loi fixe les règles concernant la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités. » Or, ni l’état des personnes ni les régimes matrimoniaux ne correspondent à la possibilité de définir le mariage. L’état des personnes décrit la position des personnes vis-à-vis du mariage (marié, divorcé, célibataire…) ; les régimes matrimoniaux précisent les liens patrimoniaux partagés par les époux. Certes, une interprétation extensive pourrait inclure la définition du mariage dans l’état des personnes. Mais on ne fonde pas une évolution si grave sur une interprétation.

Si la définition du mariage ne relève pas du domaine de la loi, appartient-elle alors au domaine réglementaire ?

Peut-on définir le mariage par un simple décret ? Cela semble bien improbable, car les articles principaux du titre V du Code civil qui concerne le mariage sont de rang législatif. On imagine mal que la définition de l’institution puisse être de rang inférieur aux conditions qui encadrent son application.
On en conclut que le constituant n’a pas souhaité ou n’a pas pensé – la question ne se posait pas en 1958 – donner au législateur la possibilité de délibérer en cette matière. Pourquoi ? Sans doute parce que les fondements anthropologiques de notre société la constituent au sens strict et ne peuvent être le jouet d’un simple débat, fût-il un débat parlementaire ; sans doute aussi parce que le sens commun et la simple réalité auraient dû rester en dehors de la sphère du politique. Le constituant, en fixant un cadre au pouvoir du législateur, a établi les règles et les limites du débat public. Si le législateur s’affranchit de ces limites, il remet en cause l’état de droit.

En l’espèce, si l’on souhaite malgré tout poser la question de l’union entre deux personnes de même sexe, il s’agit de réviser la Constitution pour étendre le domaine de la loi.

Une autre voie, plus simple s’offre aussi au Président de la République : saisir l’Académie française, gardienne de la langue française, dont il est le protecteur. Sans-doute le renverra-t-elle à la définition que donne son dictionnaire : « union légitime d’un homme et d’une femme, formée par l’échange des consentements que recueille publiquement le représentant de l’autorité civile. »

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