Texte de notre intervention lors du dernier dîner de l’Institut Ethique et Politique
Le politique devrait être le lieu où les relations entre les dimensions individuelles et le collectives sont le mieux régulées. Or en démocratie, presque par construction, le politique donne toujours la priorité à l’intérêt collectif tel qu’il est supposé être exprimé par la majorité, et ceci bien souvent aux dépens de l’intérêt particulier.
Depuis Condorcet, nous savons qu’il est impossible de déterminer un intérêt collectif par simple addition d’intérêts individuels. Même avec l’aide d’une « main invisible », cela reste impossible.
Au delà de l’intérêt général, de l’intérêt collectif, voire de la raison d’état qui sont souvent invoqués et qui ne sont que des cache-misères de la démocratie, il faut faire appel au Bien Commun pour s’assurer du fonctionnement harmonieux d’une communauté. Or ce Bien Commun est malheureusement de plus en plus souvent invoqué sans que ceux qui l’invoquent ne sachent véritablement de quoi il s’agit.
D’après le Compendium, le Bien Commun est « un ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée »[1].
Définition assez compliquée mais qui reprend des éléments importants : social, groupe membres, perfection… Le Bien Commun défini ainsi, repose donc sur trois composantes principales :
- le respect de la personne en tant que telle.
- la préoccupation pour le bien-être social et le développement de la communauté
- la paix, avec un double volet, celui de la sécurité et celui de la durée.
Alors il nous faut définir une raison, qui permette de réunir une communauté.
La seule raison possible, c’est l’existence d’un projet, d’une destination qui fait sens pour la communauté.
Cette destination commune a pour effet de donner tout leur sens aux décisions qui sont prises par ceux qui conduisent la communauté et de rendre ces décisions immédiatement compréhensibles par tous dans leur contenu et dans leurs effets.
Cette destination qui nous permet de sortir de l’errance, de la contingence, est un bien pour toute la communauté.
Comment définir ce bien « commun »:
- Le Bien Commun est l’orientation que le groupe et ses membres, ensemble, se choisissent en se mettant d’accord sur leurs valeurs et sur leur vision, dans le but de permettre à chacun et à tout le groupe de vivre en harmonie.
- Dans une communauté donnée, lorsque l’on doit régler des conflits entre des intérêts divergents, qu’ils soient collectifs ou individuels, il faut chercher, même si c’est difficile, un accord « en sortant par le haut ». C’est probablement dans cette direction que se trouve alors le Bien Commun.
- La référence au Bien Commun donne, à chacun et à tous, la certitude de travailler dans le même sens, dans la même direction. Ceci implique que chacun, ainsi que le groupe, ait déjà mené une réflexion sur le type de communauté qu’ils souhaitent former ensemble et quelle est la contribution souhaitable du groupe au Bien Commun des communautés de rang supérieur auxquelles le groupe appartient.
- Le Bien Commun implique, d’une part, que chacun renonce en partie à ce qu’il pourrait considérer comme ses droits ou ses demandes légitimes pour ne pas faire obstacle à la poursuite par la communauté de son Bien Commun mais, d’autre part, le Bien Commun implique aussi que la communauté renonce en partie à son pouvoir d’imposer – voire par la force – ses décisions aux membres de la communauté et ceci par respect de l’intérêt, des droits et des demandes légitimes de chacun de ses membres. Autrement dit, le Bien Commun ne peut être atteint si l’intérêt d’un seul membre de la communauté est menacé.
- Le Bien Commun ne peut donc être atteint que si chacun accepte l’idée que le Bien de l’autre pourrait être le sien propre. Il exige une attention particulière et permanente au Bien de l’autre.
- Le Bien Commun peut être envisagé au niveau de chaque communauté intermédiaire, dans le respect non seulement du Bien Commun de toutes les communautés intermédiaires auxquelles le groupe en question appartient mais également dans le respect du Bien Commun universel.
Le Bien Commun permet donc, à tout moment, de tenir compte de la réalité mais, paradoxalement, le Bien Commun reste un objectif que les êtres humains n’atteindront jamais par eux même sans recours à la transcendance qui seule permettrait de parvenir à un tel état de Bonheur. Le Bien Commun reste donc un idéal qui s’éloigne toujours davantage lorsque l’on s’approche de lui. Mais il est nécessaire de définir cet objectif, cette destination au delà de notre intelligence, faute de quoi nous serions incapable de privilégier un sens et donc serions incapables de sortir de l’errance dans laquelle l’absence de point de destination nous condamne.
Le Bien Commun, en définitive, c’est du pur bon « sens ».
Enfin, il est important de noter qu’il est possible de commencer à tout moment de se mettre à la recherche du Bien Commun, maintenant, là où nous sommes, dans la ou les communautés auxquelles nous appartenons.
[1] Compendium de la DSE 164