COVID 19 : A quand une politique basée sur un véritable humanisme ?

par 13-04-2020Politique

Penser la politique comme prise de pouvoir, c’est faire entrer l’homme ainsi que l’humanité dans les ténèbres et la nuit. La penser de façon éclairée, c’est penser l’humanité comme entrée dans la connaissance. Attention, dans notre monde, on parle d’éducation et de culture. Ce n’est pas la connaissance. La connaissance va bien au-delà de l’éducation et de la culture. Nous vivons une crise de la politique et de la société. Rien d’étonnant à cela. Ce n’est pas l’homme vivant, éveillé qui nous guide mais un être endormi et ignorant. Il est possible de sortir de cette crise et de retrouver l’homme vivant, éveillé. Pour le comprendre, je reviendrai  sur le sens profond de la politique (I.) , la crise de l’humanisme aujourd’hui (II.), l’apport de Vaclav Havel (III.) avec son écrit Le pouvoir des sans pouvoirs, et enfin le sens de l’homme vivant (IV.).

retour a une politique vraiment humaniste ?

I. Il y a deux façons de considérer la politique et de faire de la politique, la façon courante et la façon éclairée. 

La façon courante de faire de la politique est la façon matérialiste et athée. Elle repose sur trois éléments : un présupposé fondamental, un mode d’action lié à ce présupposé et une idéologie comme conséquence de ce présupposé. Le présupposé fondamental est celui-ci. Dans un monde où tout est exclusivement matériel, Dieu n’existant pas, l’homme doit être considéré comme un animal. Comme l’animal, il obéit à la séduction et à l’intimidation. Il faut avoir. Quand on le sait, on peut le conditionner afin de le mener où l’on veut. Diriger les hommes, les gouverner, c’est les traiter ainsi, comme des animaux. 

Cette façon de gouverner ainsi a été celle des tyrans à Athènes et à Rome, lesquels ont suivi les conseils des sophistes.

À Rome, souvenons nous, pour diriger le peuple le mot d’ordre était Panes et circenses, du pain et des jeux ! Cette vision animalière de la politique,  on la trouve chez Machiavel pour qui la réalité se ramenant à la nature et la nature à la guerre, la politique se ramène exclusivement à la guerre.  Elle a été celle d’Hitler, du communisme et de tous les régimes totalitaires. C’est celle qui est actuellement en vigueur à travers la propagande idéologique qui a cours dans les réseaux sociaux et les médias, lesquels véhiculent l’idéologie du politiquement correct à l’aide de l’intimidation.  

Le mode d’action lié à ce présupposé repose sur trois éléments : le relativisme, le mécanisme et l’opportunisme. 

Priorité numéro un de la politique courante : éliminer toute morale de la vie politique et pour cela faire la chasse à tout ce qui pourrait ressembler à un présupposé spirituel, transcendant et moral. Quelqu’un avance-t-il l’idée d’un présupposé spirituel, moral ou transcendant ? On lui ferme immédiatement l’accès à la pensée et à la parole en le ramenant à ce qui se fait, ce qui plaît et ce qui marche. Ainsi, on veut être moral en politique ? Pour fermer la bouche du malheureux qui a osé prononcer ce terme obscène on lui fait remarquer que le contraire se fait que ça marche et que ça plaît. Dans le premier livre de La République, c’est exactement ce que Thrasymaque explique à Socrate. une fois la morale mise par terre par le relativisme, on eut passer à la deuxième étape à savoir le mécanisme.

Pour les politiques contemporains, la vie est un simple mécanisme

Si, pour diriger l’être humain comme on le veut, il importe d’en faire animal, pour diriger la vie comme on veut il importe de la ramener à un mécanisme sur la base d’un raisonnement simple : en mécanique tout se compose, se décompose et se recompose.  Pour la vie, il en va de même. Tout doit se composer, se décomposer et se recomposer. Il y a un intérêt à cela. Imaginons que le monde devienne une machine où tout se compose, se décompose et se recompose tout seul. Tout se met à marcher tout seul de façon automatique. On est dans un monde idéal. Quand on est dan un monde humain où pour diriger, il faut que la volonté de celui qui commande s’affronte à la volonté de ceux qui obéissent, les choses sont difficiles. Rien n’est simple. Ramenons le monde des hommes à la machine. Finies les contraintes provoquées par la volonté individuelle. 

Dans ce monde sans morale et sans conscience, il devient alors possible de passer à la troisième étape, l’opportunisme. Il devient  possible de faire ce que l’on veut en se saisissant des occasions qui se présentent afin de composer avec elles au mieux de ses propres intérêts. 

Le résultat de cette vision fondée sur le relativisme, le mécanisme et l’opportunisme se traduit par l’idéologie dominante à savoir le fatalisme, le pragmatisme et l’utilitarisme.

Le fatalisme. Vivons dans un monde où la matérialité, l’animalité et la force dominent. On en vient fatalement à penser que, pour l’emporter dans ce monde et le dominer il n’y a qu’une solution : la matérialité, l’animalité et la force. De sorte qu’un cercle vicieux s’en suit : la matérialité, l’animalité et la force se mettent à appeler sans fin la matérialité, l’animalité et la force afin de lutter contre la matérialité, l’animalité et la force. Dans ce fatalisme, tout étant enchaîné à la matérialité, l’animalité et à la force, il n’y a qu’une seule solution ; le pragmatisme, c’est-à-dire la justification de l’adaptation à un monde aveugle au nom du réalisme. Le non-être étant devenu l’être, on donne l’impression d’être dans l’être en étant dans le non-être. 

     Il y a la politique courante, celle décrite par Machiavel, celle de la lutte pour le pouvoir à travers les manoeuvres politiciennes, politiques, sociales, médiatiques, culturelles et idéologiques. Il y a toutefois une autre politique possible, la politique éclairée.  

La politique de Machiavel est une contre-politique, une anti-politique reposant sur trois éléments.

  1. D’abord, un  changement de paradigme. Tout le paradigme de la tyrannie et du totalitarisme est fondé sur un élément : la réalité est uniquement fondée sur la matérialité, l’animalité et le rapport de force. À ce paradigme il convient d’en opposer un autre. L’être humaine est certes pris dans la matérialité, l’animalité et les rapports de force, mais il est appelé à vivre et à faire vivre autre chose. Quand il est pensé dans la matérialité, l’animalité et le rapport de force, il n’a pas d’avenir. Il est simplement bon à tenter de survivre dans ce système en tournant en rond. Quand il est pensé comme étant appelé à autre chose, il a un avenir. 
  2. Ensuite, une direction.  L’homme, comme tout d’ailleurs, vient d’une source extrêmement belle, profonde et élevée. Ce à quoi il est appelé, c’est à rencontrer cette source et à la vivre. Cette rencontre s’appelle la connaissance, la connaissance étant non pas un acte intellectuel réservé à une élite, mais une rencontre, un mariage, une participation d’être à être avec cette source.  
  3. Enfin, un projet. Construire la cité des hommes, c’est construire la cité de la connaissance à travers l’enseignement, c’est-à-die la transmission du sens de l’être qui est la source de toute chose. 

II. La crise de l’humanisme

Il est aujourd’hui question de la personne humaine. Tout le monde parle même de l’homme. En Chine, pays totalitaire, il est au centre du projet chinois. Dans notre monde l’humanisme est le fondement de notre monde. Celui-ci malheureusement n’est pas l’homme vivant. 

Comme le dit le chœur dans Antigone de Sophocle : « Parmi toutes les merveilles du monde, la plus grande, c’est l’homme ».

S’il est ainsi la plus grande merveille de l’univers, cela vient de ce que, comme le montre Pascal, avec lui l’univers n’est plus simplement univers matériel. C’est un univers spirituel, la personne humaine faisant de l’univers un univers conscient en étant la conscience de l’univers. Penser l’homme, dans ces conditions, consiste à être à la hauteur de cette merveille. On est à la hauteur de cette merveille quand on vit l’homme ainsi que la vie tout court avec un sérieux fondamental. C’est ce que Kant appelle le devoir, le devoir étant le souci absolu de la pensée et du sérieux. Concrètement, cela revient à penser l’être humaine comme être tri-centrique, corps-âme-esprit en répondant à trois exigence : l’exigence matérielle (le corps), l’exigence personnelle (l’âme), l’exigence fondamentale (l’esprit). 

L’humanisme qui est apparu à la Renaissance aurait pu penser un tel être humain.

Mais il ne l’a pas fait. En lieu et place de cela, on a assisté à cinq choses : l’humanisme bourgeois avec l’humanisation du divin, l’humanisme révolutionnaire avec la divinisation de l’homme, l’humanisme antitotalitaire, l’anti humanisme, enfin ce qui se passe aujourd’hui à savoir le post humanisme avec  le « trans humanisme ». 

 L’humanisation du divin ou l’humanisme bourgeois.

C’est l’humanisme qui apparaît à la Renaissance et qui se fonde autour de trois figures. D’abord celle du Prince, chef de guerre, politique, aventurier, marchand, mécène et séducteur.  Figure héroïque remplaçant ce héros céleste qu’est le saint par ce saint terrestre qu’est le héros. Ensuite, celle de l’honnête homme, être social, de bonne compagnie, courtois, galant, cultivé, modéré, tolérant. Enfin, celui des Lumières, l’Encyclopédiste, ouvert d’esprit, partisan du progrès des sciences, des techniques, des droits politiques, du bien être social, de la culture et de la morale. 

L’humanisme révolutionnaire a divinisé l’homme.

« L’humanisme, c’est  bien », pense-t-on à la fin du XVIIIème siècle, au XIXème siècle et au XXème siècle, mais cela ne suffit pas. Il lui manque un but exaltant, transcendant. Comme il n’est pas question de revenir à la religion et à Dieu, l’être humain remplace Dieu avec comme projet l’égalité afin de faire advenir l’humanité comme paradis sur terre et réalisation de l’histoire. En un mot l’homme est divinisé. Ce qui donne trois versions possibles de ce projet : la République et les droits de l’homme, le positivisme avec la religion de la science et de la sociologie, le marxisme avec son projet d’un humanisme total grâce au socialisme achevant l’histoire. 

L’humanisme antitotalitaire. Comme l’humanisme révolutionnaire s’est achevé en totalitarisme, la réaction à cet échec passe par un repli individualiste qui prend trois formes. L’individualisme libéral, soucieux de défendre la liberté économique, le pluralisme politique et le libéralisme moral. L’individualisme existentialiste défendant  la création personnelle et responsable de valeurs. L’individualisme libertin, essentiellement attaché à la liberté de mœurs ainsi qu’à une vision hédoniste de l’existence.  

L’anti humanisme.

Si l’individualisme incarne une première façon de critiquer le totalitarisme, il en existe une seconde. C’est celle que l’on trouve dans le projet de mort de l’homme. Dieu était le centre céleste de la représentation du monde. Puis, il y a eu l’homme comme centre terrestre. Pour les critiques du totalitarisme, si l’on veut se libérer de ce dernier, il ne faut plus de centre du tout. Ce qui passe par une déconstruction de toutes les identités, l’élimination de la généalogie, c’est-à-dire de l’origine et de l’histoire (Sloterdijke),  enfin, une nouvelle éthique inspirée par quatre éléments : le schizo (moi d’abord, tout seul dans ma bulle, cf. Deleuze), le fun (il faut pouvoir jouer avec tout et avoir du plaisir non stop), le cool (pas de conflit, no stress, on reste zen, on lâche prise, cf. Lipovetsky) et le trans (pour un monde arc-en-ciel post-hétéro, ouvert à toutes sexualités) . 

Le « trans humanisme ».

Si l’anti humanisme a déjà pas mal ébranlé le totalitarisme, il importe d’aller plus loin encore. Tant que subsistera l’ancien homme, le vieil homme avec ses conditionnements, l’homme ne pourra pas vraiment se libérer. Il sera menacé de retourner à ses vieux conditionnements. Pour le libérer vraiment, une seule possibilité : créer un homme augmenté par le biais d’une hybridation entre l’homme et la machine.  Un tel homme est appelé à être un homme libéré de tous les fléaux qui pèsent sur l’humanité, à savoir la mort, la maladie et les inégalités dues aux inégalités intellectuelles. Il est appelé à faire sauter les 4 différences  qui verrouillent l’humanité ; la différence homme-animai (pourquoi l’animal ne serait pas un homme et l’homme un animal ?), la différence homme-machine (pourquoi la machine ne serait-elle pas un homme et l’homme une machine ?), la différence homme-femme (pourquoi l’homme ne pourrait-il pas être une femme et la femme un homme ?), la différence homme-Dieu (qu’est-ce qui interdit de dire que Dieu c’est moi ou ce que je veux ?)

Faisons un bilan. Avec l’histoire de l’humanisme, où en est-on ?

À un double paradoxe ; le triomphe de l’être humain coïncide avec sa mort, sa mort coïncide avec son triomphe. L’humanisme a voulu faire triompher l’homme et le faire dominer. La domination de l’homme dominant tout y compris l’homme, il a fait disparaître celui-ci, il le fait disparaître, il le tue. L’antitotalitarisme  veut faire disparaître la disparition de l’homme. Il débouche sur un nouveau totalitarisme individualiste, déconstructionniste et technique, le tout-individu, le tout-déconstruction et le tout-nouvelles technologies conduisant à l’apparition des trois pouvoirs qui asservissent aujourd’hui : le relativisme nihiliste issu de l’individualisme moral, le dispositif de surveillance qui s’est emparé du monde et qui, sous couvert de lutter contre la délinquance, le terrorisme, le trafic de la  drogue, les dérapages, surveille tout, sans compter la surveillance de toutes les données mondiales par les fabricants d’ordinateurs et de portables, sans compter la surveillance qu’exercent les réseaux sociaux, enfin la prise en main du monde par les nouvelles technologies et du complexe politico-industriel qui entend diriger le monde grâce à elles et qui le dirige déjà.  

III. L’intuition politique de Vaclav HAVEL

Vaclav Havel

1978. Dans la Tchécoslovaquie gouvernée par ’un gouvernement à la botte de Moscou qui lui impose sa loi en l’obligeant à établir un régime policier, Vaclav Havel publie Le pouvoir des sans pouvoirs (Vaclav Havel, Essais politiques, Calman Lévy 1994). Ce qui lui vaudra d’aller en prison, parmi d’autres chefs d’inculpation, principalement celui de dissidence et d’opposition au régime. Dans cet essai Vaclav Havel s’emploie essentiellement à montrer qu’il est possible de résister à un régime totalitaire. Il en donne pour preuve une vision qu’il a eue. Un matin, en sortant chez lui, il passe devant son marchand de légimes habituel. Et, là, surprise, que voit-il ? Au milieu de ses pommes de terre et de ses carottes, le marchand de légumes a placé une banderole avec inscrite dessus le fameux slogan communiste ; « Prolétaires de tous les pays, unissez vous ».

Cette scène cause un électrochoc à Havel. Il y voit l’annonce de la fin du communisme. Si ce dernier en est à passer par la publicité en se mêlant aux produits de consommation pour se développer, c’est qu’il est vraiment intellectuellement mort. Il y voit également une autre annonce : le mariage entre communisme et capitalisme, c’est ce vers quoi le monde va. En quoi il n’a pas tort. Qui domine le monde ? La Chine, pays communiste où le consumérisme capitaliste explose. Et les Etats-Unis où sur fond de consumérisme capitaliste la propagande du politiquement correct explose. Un communisme consumériste d’un côté. Un consumérisme épris d’égalitarisme d’un autre. Le totalitarisme sur le mode soviétique va finir. Mais le totalitarisme n’est pas fini. Il va prendre un autre visage. Il y voit enfin, une troisième annonce. Concrètement, dans le présent, il est possible de résister. La preuve : ce marchand de légumes. Quand celui-ci met sa banderole au milieu de ses légumes, il est le pur produit du système en faisant ce que celui-ci demande. Il est un propagateur zélé de la propagande au pouvoir.  Par ailleurs, cependant, sans s’en rendre compte, il est le plus grand adversaire du régime, son dénonciateur, son opposant subversif, en ridiculisant celui-ci. On voudrait ridiculiser le régime, on ne pourrait pas mieux faire. Tirons en les conclusions : si ce marchand de légumes parvient malgré lui, sans s’en rendre compte à ridiculiser le régime, tout le monde peut résister.  Ce que l’on peut faire inconsciemment, on eut le faire consciemment. On peut être sans pouvoir. On n’en a pas moins du pouvoir. Pourquoi ? parce que la vie est là et qu’on ne peut pas la refouler.

D’où trois préceptes que l’on peut tirer pour l’action :

humanisme
  1. D’abord, ne pas désespérer. Il y a toujours du possible. Bien plus qu’on ne le pense. Souvent, celui-ci nous vient par des voies inattendues. Témoin ce marchand de légumes, complètement aliéné d’un côté et totalement subversif d’un autre.
  2. Ensuite, ne pas être dupe. Les régimes politiques tyranniques sont des comédies. La propagande le montre. Celle-ci est ridicule. Il est possible d’en rire et de la ridiculiser. Quand on le fait, sa crédibilité s’écroulant, c’est la tyrannie qui s’écroule. Elle n’est plus crédible. Si donc on n’est pas dupe, on peut faire de grandes choses.
  3. Enfin, on peut ne pas subir. Comme le rappelle Étienne de la Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire, s’il y a des tyrans, c’est parce qu’il y a des tyrans, mais c’est aussi parce qu’il y a des esclaves (Étienne de La Boétie, Discours sur la servitude volontaire, Les Éditions Sociales). Les esclaves, ce sont ceux qui acceptent de subir ceux qui les oppriment et qui, parfois même, les admirent. Cessons intérieurement de subir et d’admirer ce qui opprime. Le tyran finit par s’écrouler. Sans soutien moral, un tyran ne tient pas. il y a du La Boétie chez Vaclav Havel. Il a avec lui le sens de la résistance intérieure.

La modernité, oui, a-t-on envie de dire, l’asservissement à la modernité, non. La soumission aux diktats de la propagande de l’anti-humanisme ou du post-humanisme, non.

IV. L’homme vivant

Dans la conjoncture actuelle, la question qui se pose est : que faire ? Face à cette question, on peut apporter trois réponses. La première réside dans la clarté. Il y a deux façons de faire passer des idées : la première, la plus courante, est de prendre le pouvoir politique. La seconde est d’utiliser d’autres canaux. Dans la vie courante, la politique, c’est la guerre, comme l’a montré Machiavel. La guerre est celle qui oppose les voyous aux flics et les flics  aux voyous. Pour prendre le pouvoir, il faut être un peu voyou. Témoin, le fait d’aller chercher un scandale chez son adversaire, de faire éclater ce scandale et ainsi de discréditer son adversaire.   Pour garder le pouvoir, il faut être flic. Témoin le fait de ficher ses adversaires et de les surveiller, là encore, pour acquérir le scandale qui les terrassera. Ne croyons pas qu’en politique on fait passer ses idées sans violence. On les fait toujours passer par de la violence, celle-ci passant par des manœuvres diverses et variées.  Si donc, on veut faire de la politique courante, il fait être prêt à être voyou et flic dans un monde de voyous et de flics. Si l’on n’est pas prêt à faire cette guerre, c’est que l’on n’est pas mûr pour faire de la politique. On est un homme vivant quand on a choisi délibérément de ne pas faire de la politique en laissant celle-ci à des spécialistes, quand donc on choisit de faire passer ses idées autrement que par la guerre en étant voyou ou flic. Est-ce à dire que dans nos démocraties il ne faut plus voter et devenir apolitique ? Non. Il faut voter, mais en sachant que, quand on va élire quelqu’un, c’est un chef de guerre que l’on va élire, pas un enfant de cœur.  

La seconde idée importante, est celle du cœur. La politique est malade et sera toujours malade, pourquoi ? Parce que l’on n’y parle pas en partant du fond de soi même. On y parle en procédant par calcul, par ruse ou par langue de bois. Quand on est un homme vivant, vivant à partir du fondamental, dans un total sérieux, on ne circule pas, on ne ruse pas, on n’a pas la langue de bois. On dit ce en quoi on croit profondément en se laissant inspirer parce que l’on ressent comme essentiel en soi.  Quand quelque chose fait bouger la société, c’est ce qui la fait bouger. Intérêt du cœur : il permet de revenir sur terre. On a tendance à idolâtrer le social et la politique en les divinisant. La parole venue du cœur permet de rompre l’hypnose sociale et politique et de se réveiller. Par là même, il y a quatre choses à faire pour faire vivre ce cœur : des foyers de charité,  des hôpitaux, des écoles et des églises ainsi que des monastères, c’est-à-dire des lieux dans lesquels au lieu d’être dans le bavardage à propos de la transformation du monde et du salut de la planète on porte vraiment secours aux êtres humains, on leur apporte une vraie nourriture humaine et une vraie nourriture spirituelle. Ce que le politique, tel qu’il existe, est incapable de faire.

Si le politique a un intérêt, c’est celui de faire la guerre et de maintenir comme il le peut, la paix tant à l’intérieur grâce à la police et à l’extérieur grâce à l‘armée. Hormis cette tâche policière et militaire qui lui revient, les choses importantes se passent ailleurs et relèvent de la responsabilité citoyenne et sociale. Ce qui, au demeurant, se passe. Qu’est-ce qui fait vivre le monde ? Les hommes vivants insérés dans des liens sociaux et humains vivants avec quelque chose de réel à dire sur le secours nécessaire en ce qui concerne la misère humaine, le soin à apporter aux malades, le savoir et la culture à apporter à la société et la vie spirituelle à l’humanité. 

Autres publications

Bertrand Vergely
Bertrand Vergely est un philosophe, théologien et essayiste français. Il est normalien, agrégé de philosophie, professeur en khâgne. IL est expert associé de l'Institut Ethique et Politique depuis 2017.