Jeanne d’Arc et Catherine de Sienne : des engagements pour l’unité de la société [Lettre DSE n°5]

par 1-06-2017Textes fondamentaux

En ce mois de mai marqué par la passation de pouvoir au sommet de l’Etat français, l’Institut éthique et politique vous propose le texte de l’audience générale du pape Benoit XVI du 26 janvier 2011 consacrée à Sainte Jeanne d’Arc. Jeanne, patronne secondaire de la France, est fêtée par l’Eglise le 30 mai, la fête du 8 mai commémorant la prise d’Orléans. Dans cette catéchèse, Benoît XVI fait un rapprochement entre Jeanne et sainte Catherine de Sienne, patronne de l’Italie et de l’Europe, toutes deux vierges consacrées engagées au service du bien commun.

Deux saintes, deux engagements politiques

En donnant en exemple d’engagement politique l’œuvre de libération de Jeanne et de Catherine, le pape invite les chrétiens à fonder leur action dans le Christ pour pouvoir, dans les situations auxquelles chacun est confronté, faire les choix lui permettant de contribuer selon ses talents personnels au bien commun. Cette invitation nous paraît particulièrement pertinente en cette période de discernement en vue des élections législatives des 11 et 18 juin qui auront une importance décisive pour l’avenir de notre pays. La doctrine sociale de l’église n’oppose pas le bien commun et le bien personnel comme certains philosophes des Lumières opposent l’intérêt individuel et l’intérêt général.

L’enseignement chrétien établit un lien profond entre l’accomplissement de la personne et sa participation au bien commun.

Saint Paul (Corinthiens, 12, 4-7et 25-27) explique ainsi dans le texte qui fonde cette réflexion de l’Eglise sur la société : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien… Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. »

Montesquieu, par un raisonnement remarquable mais abstrait, fondait sur la vertu personnelle la possibilité d’une société unie.

Benoît XVI développe de façon plus précise le cheminement qui permet l’accomplissement personnel et la contribution à la vie de la société : le détachement du péché, la pratique de la vertu et de l’amour, l’union douce et affectueuse avec Dieu. L’unité de la société n’est en effet pas spontanée : elle résulte de la capacité de chacun à suivre effectivement l’enseignement du Christ. Il est souvent reproché aux chrétiens soit une « mine triste » démontrant des rigueurs considérées comme excessives, soit au contraire un triomphalisme naïf et peu empressé au service de l’autre. Au-delà de ces apparences, la relation intérieure au Christ permet profondément de trouver et exercer sa vocation au sein de la communauté humaine, tant dans sa dimension matérielle que dans sa dimension spirituelle.

Cet accomplissement ne signifie pas l’absence d’erreur ou d’injustice.

L’histoire de Jeanne d’Arc démontre au contraire comment la foi et l’action effective au service du bien commun peuvent transformer, dans le temps, la plus grande erreur et l’injustice en une source de grâces. L’idée de vous proposer cette catéchèse nous a été donnée par la lecture du numéro du magazine France Catholique du 12 mai 2017. Consacré à la sainte française, ce numéro propose un extrait de l’étude d’Anita Sanchez Bourdin, paru dans la revue Christi Sponsa (6, rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07). Nous vous invitons à porter dans la prière les vierges consacrées de France, et à demander que par leur intercession la miséricorde divine nous touche personnellement et nous guide dans la recherche du Christ et de l’unité de la société française.

« Je voudrais aujourd’hui vous parler de Jeanne d’Arc, une jeune sainte de la fin du Moyen-âge, morte à 19 ans, en 1431. Cette sainte française, citée à plusieurs reprises dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, est particulièrement proche de sainte Catherine de Sienne, patronne de l’Italie et de l’Europe, dont j’ai parlé dans une récente catéchèse (voir des extraits à la fin de ce texte). Ce sont en effet deux jeunes femmes du peuple, laïques et consacrées dans la virginité; deux mystiques engagées non dans le cloître, mais au milieu de la réalité la plus dramatique de l’Eglise et du monde de leur temps. Ce sont peut-être les figures les plus caractéristiques de ces « femmes fortes » qui, à la fin du Moyen-âge, portèrent sans peur la grande lumière de l’Evangile dans les complexes événements de l’histoire. Nous pourrions les rapprocher des saintes femmes qui restèrent sur le Calvaire, à côté de Jésus crucifié et de Marie sa Mère, tandis que les Apôtres avaient fui et que Pierre lui-même l’avait renié trois fois. L’Eglise, à cette époque, vivait la crise profonde du grand schisme d’Occident, qui dura près de 40 ans. Lorsque Catherine de Sienne meurt, en 1380, il y a un Pape et un Antipape; quand Jeanne naît en 1412, il y a un Pape et deux Antipapes. Avec ce déchirement à l’intérieur de l’Eglise, des guerres fratricides continuelles divisaient les peuples chrétiens d’Europe, la plus dramatique d’entre elles ayant été l’interminable « Guerre de cent ans » entre la France et l’Angleterre. (…)

Au début de l’année 1429, Jeanne entame son œuvre de libération. Les nombreux témoignages nous montrent cette jeune femme de 17 ans seulement, comme une personne très forte et décidée, capable de convaincre des hommes incertains et découragés. Surmontant tous les obstacles, elle rencontre le Dauphin de France, le futur roi Charles VII, qui à Poitiers la soumet à un examen mené par plusieurs théologiens de l’université. Leur avis est positif : en elle, ils ne voient rien de mal, seulement une bonne chrétienne.

Le 22 mars 1429, Jeanne dicte une importante lettre au roi d’Angleterre et à ses hommes qui assiègent la ville d’Orléans (ibid., p. 221-222). Sa proposition est une véritable paix dans la justice entre les deux peuples chrétiens, à la lumière des noms de Jésus et de Marie, mais elle est rejetée, et Jeanne doit s’engager dans la lutte pour la libération de la ville, qui advient le 8 mai. L’autre moment culminant de son action politique est le couronnement du roi Charles VII à Reims, le 17 juillet 1429. Pendant toute une année, Jeanne vit avec les soldats, accomplissant au milieu d’eux une vraie mission d’évangélisation. Nombreux sont leurs témoignages sur sa bonté, son courage et son extraordinaire pureté. Elle est appelée par tous et elle-même se définit comme « la pucelle », c’est-à-dire la vierge. (…)

Jeanne d'Arc

Audience générale consacrée à Jeanne d’Arc

Les arbres sont aujourd’hui plus importants que jamais. Plus de 10 000 produits seraient fabriqués à partir d’arbres. Les procédés chimiques permettent à l’humble tas de bois de produire des substances synthétiques, des plastiques et des tissus qui dépassaient l’entendement lorsqu’une hache a abattu pour la première fois un arbre du Texas.

Extraits de la catéchèse du 24 novembre 2010 consacrée à sainte Catherine de Sienne :

(…) « Née à Sienne, en 1347, au sein d’une famille très nombreuse, elle mourut dans sa ville natale en 1380. A l’âge de 16 ans, poussée par une vision de saint Dominique, elle entra dans le Tiers Ordre dominicain, dans la branche féminine dite des Mantellate. En demeurant dans sa famille, elle confirma le vœu de virginité qu’elle avait fait en privé alors qu’elle était encore adolescente, et se consacra à la prière, à la pénitence et aux œuvres de charité, surtout au bénéfice des malades.

Lorsque la renommée de sa sainteté se diffusa, elle fut protagoniste d’une intense activité de conseil spirituel à l’égard de toutes les catégories de personnes: nobles et hommes politiques, artistes et personnes du peuple, personnes consacrées, ecclésiastiques, y compris le Pape Grégoire XI qui à cette époque, résidait à Avignon, et que Catherine exhorta de façon énergique et efficace à revenir à Rome. Elle voyagea beaucoup pour solliciter la réforme intérieure de l’Eglise et pour favoriser la paix entre les Etats: c’est pour cette raison également, que le vénérable Jean-Paul II voulut la déclarer co-patronne de l’Europe : pour que le Vieux continent n’oublie jamais les racines chrétiennes qui sont à la base de son chemin et continue de puiser à l’Evangile les valeurs fondamentales qui assurent la justice et la concorde.

Catherine souffrit beaucoup, comme de nombreux saints. Certains pensèrent même qu’il fallait se méfier d’elle, au point qu’en 1374, six ans avant sa mort, le chapitre général des Dominicains la convoqua à Florence pour l’interroger. Ils mirent à ses côtés un frère cultivé et humble, Raymond de Capoue, futur maître général de l’Ordre. Devenu son confesseur et également son « fils spirituel », il écrivit une première biographie complète de la sainte. Elle fut canonisée en 1461. (…)

(…) Nous apprenons donc de sainte Catherine la science la plus sublime : connaître et aimer Jésus Christ et son Eglise. Dans le Dialogue de la Divine Providence celle-ci, à travers une image singulière, décrit le Christ comme un pont lancé entre le ciel et la terre. Celui-ci est formé de trois marches constituées par les pieds, par le côté et par la bouche de Jésus. En s’élevant grâce à ces marches, l’âme passe à travers les trois étapes de chaque voie de sanctification: le détachement du péché, la pratique de la vertu et de l’amour, l’union douce et affectueuse avec Dieu.
Chers frères et sœurs, apprenons de sainte Catherine à aimer avec courage, de manière intense et sincère, le Christ et l’Eglise. Faisons donc nôtres les paroles de sainte Catherine que nous lisons dans le Dialogue de la Divine Providence, en conclusion du chapitre qui parle du Christ-pont : « Par miséricorde, tu nous as lavés dans le Sang, par miséricorde, tu voulus converser avec les créatures. O fou d’amour ! Il ne t’a pas suffi de t’incarner, mais tu voulus aussi mourir ! (…) O miséricorde ! Mon cœur étouffe en pensant à toi: car où que je me tourne, je ne trouve que miséricorde » (chap. 30). »

Audience générale de Benoit XVO consacrée à saint Catherine de Sienne

Chers frères et sœurs,

Je voudrais aujourd’hui vous parler d’une femme qui a eu un rôle éminent dans l’histoire de l’Eglise. Il s’agit de sainte Catherine de Sienne. Le siècle auquel elle vécut — le XIVe — fut une époque tourmentée pour la vie de l’Eglise et de tout le tissu social en Italie et en Europe. Toutefois, même dans les moments de grandes difficultés, le Seigneur ne cesse de bénir son peuple, suscitant des saints et des saintes qui secouent les esprits et les cœurs provoquant la conversion et le renouveau.

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