Ozone : les scientifiques doutent de leurs propres modèles (Lettre écologique n°6)

par 1-07-2018Ecologie

D’où vient la déperdition d’ozone observée à certains endroits de la stratosphère ? Nul besoin d’être un spécialiste pour s’interroger sur ses causes. On s’aperçoit vite que les autorités mondiales usent de l’argument d’autorité, alors même que les scientifiques doutent de leurs propres modèles.

couche d'ozone

Chercher les causes d’un problème pour envisager des solutions. Voilà une intention louable et saine. Mais dans le cas de la déperdition d’ozone, le débat scientifique contradictoire n’a jamais eu lieu. En 1960, une poignée de scientifiques, dont le Néerlandais Paul Crutzen, accusent dans un premier temps les composés azotés de réduire l’épaisseur de la couche d’ozone. Peu de spécialistes ont une autorité à la fois en aéronomie et en chimie, de sorte qu’il est difficile de confronter dif- férents travaux et points de vue sur le sujet. Une dizaine d’années plus tard, des études conduites par Crutzen, Molina et Rowland font endosser la responsabilité aux chloro-fluoro-carbures (CFC).

Argument d’autorité

Le principal producteur des CFC, l’entreprise américaine DuPont, se défend d’abord maladroitement en finançant des dissidents de cette théorie. Quelques années plus tard, DuPont se rallie brutalement aux causes anti-CFC, qui lui permettront de tirer profit de produits réfrigérants de substitution. En 1985, l’attribution d’un prix Nobel à Crutzen, Molina et Rowland semble entériner leur conclusion, et accentue l’effet de l’argument d’autorité : « la science a parlé ».

Le protocole de Montréal, signé en 1987, institue des rapports périodiques conjoints de l’Organisation météorologique mondiale (WMO) et du Programme des Na- tions unies pour l’Environnement (UNEP). Mais il impose déjà la fin de l’utilisation des CFC.

Pourtant, à ce moment-là, les auteurs des rapports officiels semblent encore douter de leurs propres travaux : « Les différences significatives parfois observées entre les modèles sapent notre confiance dans l’évaluation à long terme1. »

De plus en plus d’études attribuent aux rayons cosmiques un rôle important dans la déplétion d’ozone. En 1994, l’ONU reconnaissait que « de telles corrélations renforcent la capacité de lier les change- ments d’ozone aux changements d’UV-B sur des échelles de temps relativement longues4 ». En 2010, les rapports officiels soulignaient que la recherche est toujours en cours : « L’origine d’une telle ré- ponse dynamique au cycle solaire n’est pas totalement comprise5. »
Les graphiques ci-dessus mettent en regard les données collectées par les agences américaines officielles :
• National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) : Bell
et al., « Climate Assessment for 1998 », in Bulletin of the Ameri-
can Meteorological Society, vol. 80, No. 5, May 1999.
• National Aeronautics and Space Administration (NASA), « Yearly
Averaged Sunspot Numbers 1610-2010 ».

Un débat toujours ouvert

Les scientifiques en appellent à un approfondissement du travail de recherche : « Notre confiance dans les modèles (en particulier à des fins d’évaluation) dépend de la validation satisfaisante de ces modèles par rapport aux données disponibles. Trop souvent, il s’agit d’un exercice largement subjectif2. »

En 1994, le rapport officiel du WMO admet encore que « notre manque de compréhension des mécanismes détaillés de dénitrification, de la désydratation et des processus de transport réduit notre confiance dans ces prévisions du modèle3. »

Malgré ces interrogations, la version officielle est tenace : la déperdition d’ozone proviendrait de l’utilisation des CFC. Les rapports s’accumulent au rythme d’un tous les quatre ans, pour constater que le sujet reste ouvert dans la communauté scientifique. Nous ne disposons toujours pas du recul suffisant pour identifier correctement les causes des variations de la concentration d’ozone dans l’atmosphère.

Pendant ce temps, les filières de réfrigération ont dû s’adapter à la réglementation. Le coût de cet ajustement pèse de façon significative, notamment dans les pays pauvres. Au vu de l’incertitude sur l’efficacité de l’interdiction des CFC, on peut s’interroger sur la pertinence du protocole de Montréal. S’agit-il d’une sage mise en œuvre de la vertu de prudence, ou d’un excès du principe de précaution ?

Ozone : d’autres coupables possibles

Certaines hypothèses restent à approfondir pour comprendre les causes des variations de la quantité d’ozone de la stratosphère :

• Soleil. Cf. graphique ci-contre.
• Composés halogénés naturels. L’ONU signale que « le bromure de méthyle continue d’être considéré comme un important composé appauvrissant la couche d’ozone6. »
• Volcans. L’éruption du mont Hudson, au Chili, en août 1991, a précédé de quelques mois seulement la formation d’un trou d’ozone mesuré en octobre 1991. En 2010, le WMO a rappelé que « les projections futures n’incluent pas l’influence des éruptions volcaniques ou des variations du cycle solaire7 ».

Références

  1. WMO/UNEP, Scientific Assessment of Ozone Depletion: 1985, p. 18. 1985, p. 18.
  2. WMO/UNEP 1985 p.18
  3. WMO/UNEP 1994, p. 261.
  4. WMO/UNEP 1994, « Executive summary ».
  5. WMO/UNEP 2010 §2.4.3.2.
  6. WMO/UNEP 1994, « Executive summary ».
  7. WMO/UNEP 2010, « Executive summary », fig. ES2, §d.
  8. WMO/UNEP1989, p. 430.

Cet article provient de la Lettre écologique n°6

Autres publications

Stanislas de Larminat
Ingénieur agronome et auteur de nombreux ouvrages et articles sur les questions d'écologie. Auteur de « Climat, et si la vérité nous rendait libre » (Ed. TerraMare), Administrateur de l’Institut Ethique et Politique.