Caritas in veritate approfondit les principes fondamentaux de la doctrine sociale

par 15-07-2009Textes fondamentaux

Finalement non ce n’est pas l’Arlésienne. Après bientôt deux ans d’attente l’encyclique de Benoît XVI sur la doctrine sociale de l’Eglise (DSE) vient de sortir : Caritas in veritate. (site du Vatican) Le pape situe la dynamique de l’action dans l’amour et précisément l’amour en Dieu. De ce fait toute la dynamique est ancrée et impulsée par l’Amour et la Vérité. Il fera du reste allusion aux apories des systèmes de bienfaisance ou d’assistanat non fondés sur la vérité. Or cette Vérité se trouve intrinsèquement dans la vérité propre de chacun, car chacun trouve son bien en adhérant au projet que Dieu a sur lui, chacun trouve là sa propre vérité. Or c’est en adhérant à cette vérité que l’homme devient libre. Benoît XVI fait donc plus profondément un lien entre vérité, vocation et liberté. Ce projet de Dieu sur l’homme est la vérité propre à laquelle il convient que celui-ci adhère librement.

Caritas in veritate, un texte majeur de la doctrine sociale de l'église
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Caritas in veritate : la charité ne peut aller sans la vérité

Défendre la vérité, la proposer avec humilité et conviction, et en témoigner dans la vie, sont par conséquent les formes exigeantes et irremplaçables de la charité. En résumé, c’est notre vocation d’aimer nos frères dans la vérité du dessein de Dieu. Dès lors (n°2) la charité est la voix maîtresse de la doctrine sociale de l’Eglise. L’amour donne une substance authentique à la relation personnelle avec Dieu et avec le prochain. Il est ainsi clair que l’amour est le dynamisme même de l’action. Il devient donc impératif de conjuguer amour et vérité dans leurs relations réciproques, intrinsèques et constitutives (3).

Sur le fond la nouveauté de Caritas in veritate est au moins à deux niveaux.

D’une part elle est un développement de Deuscaritas en ce sens que c’est un déploiement concret de l’amour et de ses exigences au niveau macro-relationnel. Les dix points essentiels de cette encyclique tournent autour de l’amour : développement, vérité, gratuité charité, responsabilité, solidarité, relation, mission et âme humaine, synthèse anthropo-théologique. D’autre part, même si cette encyclique traite par endroits des grands sujets internationaux, elle est d’abord une exhortation très personnelle, en ce sens qu’elle rejoint d’abord la personne humaine, avant les institutions, et chacun concrètement. Ici, Benoît XVI se situe dans la lignée de Populorum Progressio (PP) dont il reprend la thématique centrale du développement et du développement intégral de la personne humaine. Il défend PP en en démontrant la continuité dans l’ensemble du magistère et dénonce un nouveau mal, celui du négationnisme du progrès.

1. La Charité, fondement de la doctrine sociale de l’Eglise

Elle est liée à la vérité (caritas in veritate) ; c’est un principe sur lequel se fonde la doctrine sociale. Un principe qui prend une forme opératoire par des critères d’orientation de l’action morale (6) ; Benoît XVI, dans son encyclique en rappelle deux : justice et bien commun. La charité dépasse la justice par le fait qu’elle est don et gratuité. La charité ouvre et donne plus que ce qui est dû et elle pardonne. Ainsi autour d’elle se déclinent vérité, justice et pardon dont le pape souligne la présence dans la DSE. La charité donne une valeur théologale et salvifique à tout engagement pour la justice dans le monde. Le chrétien est appelé à vivre cette charité dans la DSE: c’est la voie institutionnelle, politique, de la charité.

2. La vérité

La vérité est une lumière qui donne sens et valeur à l’amour. Dépourvu de vérité, l’amour bascule dans le sentimentalisme ; c’est le risque mortifère qu’affronte l’amour dans une société sans vérité (3). La vérité ouvre et unit les intelligences dans le Logos de l’amour. Sans la vérité, la charité est reléguée dans un espace restreint et relationnellement appauvri (5). L’homme est appelé à devenir instrument de la grâce pour répandre la charité de Dieu et pour tisser des liens de charité : la DSE répond à cette dynamique de charité reçue et donnée, c’est la caritas in veritate in re sociali, annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société. Cette doctrine sociale est un service de la charité, MAIS dans la vérité. Il est nécessaire que cette vérité soit animée et qu’il lui soit rendu témoignage. La doctrine sociale d l’église est un service rendu à la vérité qui libère.

3. Le développement intégral de la personne

Dans Caritas in veritate, Benoit XVI reprend PP. Benoît XVI insiste sur le développement intégral de la personne comme vocation, donc ouvert à l’absolu, à la transcendance. De ce fait aussi, il nécessite Dieu. La vocation est un appel qui réclame une réponse libre et responsable. Le développement suppose donc la liberté responsable et de ce fait la vérité (17 /18). Face aux problèmes multiples nés des crises, le développement  a besoin aujourd’hui d’une nouvelle synthèse humaniste. Le monde a besoin de se renouveler en profondeur au niveau culturel et de redécouvrir les valeurs de fond sur lesquelles construire un avenir meilleur (21).

4. La responsabilité

Elle comprend les dimensions classiques du Bien Commun et la solidarité intergénérationnelle. Mais la responsabilité, c’est avant tout la charité qui prend soin des autres. Elle suppose la justice et le don, la gratuité.

5. La gratuité – point majeur de caritas in veritate

C’est peut-être un des points les plus saillants de Caritas in veritate. Il faut repenser et refonder les relations économiques sur la gratuité. L’être humain est fait pour le don (34), ce don qui exprime et réalise sa dimension de transcendance. La vie économique a besoin d’œuvres qui soient marquées par l’esprit du don (37). À l’époque de la mondialisation, l’activité économique ne peut faire abstraction de la gratuité (38). Le marché de la gratuité n’existe pas et on ne peut imposer par la loi des comportements gratuits. Pourtant aussi bien le marché que la politique ont besoin de personnes ouvertes au don réciproque (39).

6. La solidarité et la responsabilité de tous à l’égard de tous

La solidarité signifie avant tout se sentir responsable de tous (38) ; elle ne peut donc être déléguée seulement à l’État (qu’il faut repenser). Le thème du développement coïncide avec celui de l’inclusion relationnelle de toutes les personnes et de tous les peuples dans l’unique communauté de la famille humaine, qui se construit dans la solidarité sur la base des valeurs fondamentales de la justice et de la paix (54). Le principe de subsidiarité doit être étroitement lié au principe de solidarité et vice versa, car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans le particularisme, la solidarité sans la subsidiarité tombe dans l’assistanat qui humilie.

7. la personne humaine est un être de relation

La Révélation chrétienne de l’unité du genre humain présuppose une interprétation métaphysique de l’humanum où la relation est un élément essentiel (55). C’est le principe du don de la gratuité. À la lumière de la révélation du mystère de la Trinité, on comprend en particulier que l’ouverture authentique n’implique pas une dispersion centrifuge, mais une compénétration profonde (55).

8. L’âme humaine et la centralité de la question anthropologique

Il faut réaffirmer aujourd’hui que la question sociale est devenue radicalement une question anthropologique, au sens où elle implique la manière même non seulement de concevoir, mais aussi de manipuler la vie (75). Le problème du développement est strictement lié aussi à notre conception de l’âme humaine, dès lors que notre moi est souvent réduit à la psychologie et que la santé de l’âme se confond avec le bien-être émotionnel… ( 76).

 9. La mission

La charité exige d’elle-même un service missionnaire de la vérité. La DSE est une mission d’évangélisation par le témoignage rendu à la vérité.

10. Une synthèse anthropo-théocentrique

Benoît XVI propose un lecture très anthropologique et théocentrique de la DSE. Elle est un témoignage de la Vérité et de l’amour de Dieu au service du développement intégral de la personne. En ce sens, elle est anthropologique, mais comme la vérité et la vocation de l’homme sont issues et orientées vers Dieu, elle est théocentrique. En ce sens Caritas in veritate fait de la DSE un lieu de la présence de Dieu : lieu où Dieu se livre et se reçoit, parce qu’il est le lieu de l’amour entendu comme développé par les dix points ci-dessus.

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