Croissance verte : attention colis piégé (Lettre écologique n° 7)

par 1-11-2018Ecologie

Un mot-valise qui se transforme en colis piégé. La croissance verte regroupe des idées très larges . Transformer des contraintes environnementales en opportunités de marché, qui serait contre ? Passage au crible de ce concept fourre-tout qui a si bonne presse. Mais la croissance verte est elle efficace ? L’économie de l’utilité n’est pas forcément une économie éthique. Toutefois, l’homme a le devoir de veiller à l’efficacité de son activité, dès lors qu’elle ne contrevient pas à d’autres devoirs moraux supérieurs.

croissance verte

La croissance verte est-elle rentable ?

Avec la croissance verte, on peut s’interroger : crée-t-elle de la valeur ? Sinon, on tombe dans l’activisme voire dans l’idéologie, et ceux-ci sont inéluctablement financés par d’autres secteurs de l’économie. Subventionner une « activité verte » est un coût qui peut fragiliser le reste de l’économie. Ce mécanisme peut même devenir destructeur d’emplois. Par exemple, quand EDF achète l’électricité des éoliennes à un prix supérieur à celui auquel elle est revendue, ce sont les autres acteurs économiques consommateurs d’électrici- té qui doivent financer le surcoût des éoliennes, au risque de provoquer des délocalisations.

Une rentabilité ne se limite pas au calcul du taux de retour sur investissement d’une décision.

Dans une société où les budgets sont limités, il convient également de comparer les taux de retour des décisions de consommation, en prenant en compte des secteurs qui paraissent éloignés de la question écologique mais sans lesquels la société ne peut se construire durablement : sécurité, éducation, etc. Dès lors, la question des priorités doit être étudiée à l’aune de la recherche de la vérité et de la liberté, et non à partir d’une réalité partielle.

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Les énergies « renouvelables » requièrent une main d’œuvre plus nombreuse pour produire une même quantité d’électricité. Mais la création d’emplois peut-elle être le seul horizon d’une politique industrielle ?
Source : Organisation internationale du travail, « Green Jobs: Towards decent work in a sustainable, low-carbon world », 2008, tableau II.1-7.

La croissance verte s’appuie-t-elle sur une recherche de la vérité ?

« Écologie » vient des mots grecs oikos (« maison ») et logos (« science », « connaissance »). « Écologie » vient de oikos et de nomos (« gérer », « administrer », « légiférer »). L’écologie précède donc l’économie. L’écologie, scientifique, relève du savoir. L’économie procède de la mise en œuvre de ce savoir, afin d’améliorer la sécurité matérielle. Le savoir ne peut progresser qu’à travers une perpétuelle recherche de la vérité, car celle-ci oriente le progrès matériel vers le bien commun.

Dans le domaine du savoir en général, et de l’écologie en particulier, l’appel au consensus ne constitue pas une preuve, mais un simple argument d’autorité. Les procédures consensuelles évitent les débats contradictoires nécessaires à la poursuite de la vérité.

Ainsi, la remise en cause de toutes les chaînes du froid dans les années 1980 a fait suite à un consensus international douteux. On a laissé de côté les travaux se- lon lesquels l’évolution de la couche d’ozone dépend des rayonnements cosmiques. Il a résulté de ce parti-pris des conséquences dramatiques pour les pays en développement, qui n’étaient pas capables de développer la nouvelle technologie imposée1.

La croissance verte en appelle davantage aux normes et à la réglementation qu’aux libertés individuelles

La croissance verte est le plus souvent alimentée par des normes réglementaires qui imposent certaines consommations plutôt que d’autres. Les ménages ayant des budgets limités, ces normes restreignent leur liberté d’arbitrer leurs propres priorités (soutien scolaire, loge- ment adapté, etc.) et celles qui leurs sont imposées (am- poules basse consommation, isolation thermique, dés- herbant, etc.).

À juste titre, on parle des vertus de la libre entreprise. Ne pourrait-on pas rétablir ses lettres de noblesse à la li- berté du consommateur ? Le principe de subsidiarité s’applique à ce niveau également, et les familles savent très bien s’organiser en associations si nécessaire.

Que devient la dignité de l’homme avec la croissance verte ?

L’économie ne se résume ni à une forme d’activisme, ni à une simple problématique de « création d’emplois ». L’objet véritable de l’économie est la formation de la richesse et son accroissement progressif, au service du développement global et solidaire de l’homme et de la société au sein de laquelle il vit et travaille. C’est ainsi que l’activité économique « honore et promeut la dignité de la personne humaine2 ».

Que devient la dignité de l’homme dans une économie verte qui ne respecterait ni la vérité écologique, ni l’efficacité économique ? Des concepts comme la solidarité avec les générations futures ou le principe de précaution ne peuvent être correctement traités qu’en prenant en compte toutes les politiques qui y contribuent.

Autres publications

Stanislas de Larminat
Ingénieur agronome et auteur de nombreux ouvrages et articles sur les questions d'écologie. Auteur de « Climat, et si la vérité nous rendait libre » (Ed. TerraMare), Administrateur de l’Institut Ethique et Politique.