Qu’est-ce que le bien commun en politique ? (Lettre DSE n°6)

par 4-09-2017Textes fondamentaux

La sixième lettre de doctrine sociale de l’Eglise vous propose un extrait du texte de Marcel Clément « Est-il possible de résumer en quelques lignes la doctrine sociale de l’Eglise ? » (in La DSE, 1891-1991, éd. de l’Escalade, 1995, p. 37), complété par un extrait de l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII sur le bien commun dans la cité.

Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise en bref et leur application à la politique, selon Marcel Clément

« Le principe tout à fait commun est que la personne humaine est revêtue d’une dignité qui se définit comme le droit d’être cause responsable de ses actes. Ses actes sont tous à ordonner en vue de sa fin ultime. Tous les droits humains, tels qu’énumérés par Jean XXIII procèdent de cette dignité. Ils s’expriment dans la société par l’exigence de nature, pour chaque homme, d’être traité, non comme un objet, mais comme un sujet de droit. C’est sous le rapport de ce principe commun que tous les hommes sont égaux, ce qui n’empêche pas les complémentarités des sexes, des âges, des fonctions, des cultures, etc.

De ce principe dérive une organisation sociale dont les trois institutions fondamentales sont la famille, la propriété privée et l’Etat.

Trop de grandes propriétés abaissent la famille et abaissent l’Etat. Trop d’Etat abaisse la famille et décourage la propriété privée. Trop de grandes familles puissantes abaissent l’Etat et absorbent la répartition équitable de la propriété privée. Là où le marxisme dit : « tous prolétaires », la doctrine sociale catholique répond : « tous propriétaires ». La diffusion la plus large possible – et multiforme – de la propriété privée doit être favorisée pour servir de socle au mariage et à la famille. Le gigantisme d’entreprises ou de chaînes, nationales ou multinationales, va, de ce point de vue, au rebours du progrès social. Il raréfie les petits commerces de proximité et dépersonnalise les relations d’échange. Quant à l’Etat, il doit assurer le bien commun politique, qui implique que les droits légitimes soient sans cesse respectés et restaurés et donc que les devoirs corrélatifs soient menés à bien. Ce bien commun implique d’ailleurs non seulement le mouvement dynamique de la justice générale et des diverses formes de justice particulière (cf. Somme théologique, questions 57 à 80), mais aussi de l’amitié politique entre tous les citoyens du même Etat.

Au sein de l’organisation sociale, la vie jaillit des personnes, de leur « agir ».

L’amour est l’agir propre en toute famille, le travail, l’agir qui met en œuvre la propriété et la répand, l’obéissance civile, la condition de la paix des Etats. Plus spécifiquement, le travail humain est, dans le prolongement même de la famille et de sa propriété privée, ce qui permet à l’homme de s’exprimer dans ce qu’il réalise et, aussi, de se perfectionner intérieurement. L’organisation du travail et des relations de travail doit donc respecter la dignité de la personne et favoriser son expression profonde, en même temps que lui assurer, familialement, une aisance en accord avec les temps, les lieux et les possibilités concrètes. L’entreprise, elle, doit tendre à réaliser une communauté non seulement de travail, mais d’amitié.
 
Les relations : entre familles dans l’Etat, entre apporteurs de capital et apporteurs de travail dans l’entreprise, entre administrations publiques et initiatives privées, entre secteurs agricole, industriel et tertiaire et, plus généralement, les relations entre tous ceux qui peuvent être en rivalité ou en concurrence doivent conduire, par des négociations équitables, à ce que tous se conduisent peu à peu comme les membres d’un même corps social, dont l’unité et la santé dépendent de l’harmonie dans l’équité et de la prévenance fraternelle dans l’amitié politique.
 
La solidarité, qui est une loi de tout organisme moral, est donc à réaliser à tous les niveaux du quartier, de l’entreprise, de la cité, de la région, de la profession, des réalisations interprofessionnelles, comme sur le plan politique national, international et mondial. Cette solidarité tiendra compte du principe de subsidiarité qui conduit à donner la plus grande initiative possible aux sociétés de base, et à les mettre en état de se développer elles-mêmes plutôt que de substituer à elles des sociétés de rang supérieur. Il ne faut « assister » une communauté que lorsque l’on ne peut absolument pas l’aider à grandir par elle-même. Ce point est particulièrement important en ce qui concerne le chômage, les diverses formes d’exclusion et aussi, à une autre échelle, les pays en voie de développement.
 
La dignité de la personne, l’équilibre famille-propriété privée-Etat, la conception personnaliste et communautaire du travail, l’unité dans l’équité et dans l’amitié de tous les membres du corps social, le principe de subsidiarité à tous les échelons, personnels, politiques, ou internationaux de la solidarité humaine, résument donc – imparfaitement, mais autant que faire se peut – une doctrine qui ne demande que trois choses : qu’on la connaisse, qu’on l’assimile, et que, là où l’on est, on fasse passer, avec prudence, dans la réalité, ce qu’elle demande. Ce que tous les hommes demandent. Ce que Dieu demande à tous les hommes.
 
Pourquoi utiliser les termes de « doctrine sociale de l’Eglise » ? (…) Le mot « doctrine » est un mot fort. Il signifie non seulement qu’il s’agit d’un enseignement, mot que les papes emploient aussi, il est vrai, mais que cet enseignement est fondé sur une science véritable, des principes tout à fait universels et que les principes déterminent chez ceux qui sont fils de l’Eglise une obligation morale intime et certaine. Le principe qui affirme que l’homme est sujet de droit, parce qu’il est revêtu d’une dignité éminente, qu’il n’est ni une chose ni un simple objet de l’Etat ou du capital, ce principe n’est pas une simple matière d’enseignement, et moins encore un discours contingent. C’est un point de doctrine.
 
Il en va de même pour les droits humains énumérés des numéros 8 à 27 de Pacem in terris, dans l’encyclique de Jean XXIII. Qu’on les relise ! Ils dérivent immédiatement du droit naturel qu’ils concrétisent. Mais ce sont des points de doctrine. Si l’on veut que cette doctrine soit appliquée, il faut avoir la force de montrer sa connexion nécessaire avec un devoir moral qui ne dépend ni du lieu, ni du temps. Un simple enseignement contingent qui ne serait que cela, non plus qu’un simple discours n’y suffisent. Ce qui est contingent, ce sont les situations auxquelles nous devons appliquer les principes et les droits et devoirs qui les manifestent.
 
Les papes d’ailleurs, depuis Léon XIII, ont tous, et sans hésiter, employé les mots « doctrine sociale de l’Eglise » non exclusivement mais résolument ! »

Principe essentiel de la doctrine sociale de l’Eglise : le caractère moral de l’action politique des citoyens et de leurs dirigeants selon Jean XXIII

Les extraits ci-dessous de l’encyclique Pacem in terris du 11 avril 1963 explicitent le caractère moral de l’action politique des citoyens et de leurs gouvernants.
 
« Réciprocité de droits et de devoirs entre personnes différentes
 
30 – Dans la vie en société, tout droit conféré à une personne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de reconnaître et de respecter ce droit. Tout droit essentiel de l’homme emprunte en effet sa force impérative à la loi naturelle qui le donne et qui impose l’obligation correspondante. Ceux qui, dans la revendication de leurs droits, oublient leurs devoirs ou ne les remplissent qu’imparfaitement risquent de démolir d’une main ce qu’ils construisent de l’autre.
 
Dans la collaboration mutuelle
 
31 – Etres essentiellement sociables, les hommes ont à vivre les uns avec les autres et à promouvoir le bien les uns des autres. Aussi, l’harmonie d’un groupe réclame-t-elle la reconnaissance et l’accomplissement des droits et des devoirs. Mais en outre chacun est appelé à concourir généreusement à l’avènement d’un ordre collectif qui satisfasse toujours plus largement aux droits et aux obligations.
 
32 – Ainsi, il ne suffit pas de reconnaître et de respecter le droit de l’homme aux moyens d’existence ; iI faut s’employer, chacun selon ses forces, à les lui procurer en suffisance.
 
33 – La vie en société ne doit pas seulement assurer l’ordre ; elle doit apporter des avantages à ses membres. Cela suppose la reconnaissance et le respect des droits et devoirs, mais cela demande de plus la collaboration de tous selon les multiples modalités que le développement actuel de la civilisation rend possibles, désirables ou nécessaires.
 
Avec le sens des responsabilités
 
34 – La dignité de la personne humaine exige que chacun agisse suivant une détermination consciente et libre. Dans la vie de société, c’est surtout de décisions personnelles qu’il faut attendre le respect des droits, l’accomplissement des obligations, la coopération à une foule d’activités. L’individu devra y être mû par conviction personnelle ; de sa propre initiative, par son sens des responsabilités, et non sous l’effet de contraintes ou de pressions extérieures.
 
Une société fondée uniquement sur des rapports de forces n’aurait rien d’humain : elle comprimerait nécessairement la liberté des hommes, au lieu d’aider et d’encourager celle-ci à se développer et à se perfectionner.
 
Vivre ensemble dans la vérité, la justice, l’amour, la liberté
 
35 – Voilà pourquoi une société n’est dûment ordonnée, bienfaisante, respectueuse de la personne humaine, que si elle se fonde sur la vérité, selon l’avertissement de saint Paul : « Rejetez donc le mensonge ; que chacun de vous dise la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres. » (Ephésiens, 4, 25) Cela suppose que soient sincèrement reconnus les droits et les devoirs mutuels. Cette société doit, en outre, reposer sur la justice, c’est-à-dire sur le respect effectif de ces droits et sur l’accomplissement loyal de ces devoirs ; elle doit être vivifiée par l’amour, attitude d’âme qui fait éprouver à chacun comme siens les besoins d’autrui, lui fait partager ses propres biens et incite à un échange toujours plus intense dans le domaine des valeurs spirituelles. Cette société, enfin, doit se réaliser dans la liberté, c’est-à-dire de la façon qui convient à des êtres raisonnables, faits pour assurer la responsabilité de leurs actes.
 
36 – La vie en société, vénérables frères et chers fils, doit être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droit et accomplissement de devoirs ; émulation dans la recherche du bien moral ; émulation dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions légitimes ; disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de lui-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel. Telles les valeurs qui doivent animer et orienter toutes choses : activité culturelle, vie économique, organisation sociale, mouvements et régimes politiques, législation et toute autre expression de la vie sociale dans sa continuelle évolution.
 
Dieu, fondement objectif de l’ordre moral
 
37 – L’ordre propre aux communautés humaines est d’essence morale. En effet, c’est un ordre qui a pour base la vérité, qui se réalise dans la justice qui demande à être vivifié par l’amour et qui trouve dans la liberté un équilibre sans cesse rétabli et toujours plus humain.
 
38 – Cet ordre moral – universel, absolu et immuable dans ses principes – a son fondement objectif dans le vrai Dieu transcendant et personnel, Vérité première et Souverain Bien, source la plus profonde de vitalité pour une société ordonnée, féconde et conforme à la dignité des personnes qui la composent. Saint Thomas d’Aquin s’exprime clairement à ce sujet : « La Volonté humaine a pour règle et pour mesure de son degré de bonté la raison de l’homme ; celle-ci tient son autorité de la loi éternelle, qui n’est autre que la raison divine… Ainsi, c’est bien clair, la bonté du vouloir humain dépend bien plus de la loi éternelle que de la raison humaine (Somme théologique, question 19). »
 
Signes des temps
39 Trois traits caractérisent notre époque.
 
40 – D’abord la promotion économique et sociale des classes laborieuses. Celles-ci ont, en premier lieu, concentré leur effort dans la revendication de droits surtout économiques et sociaux ; puis elles ont élargi cet effort au plan politique ; enfin au droit de participer dans les formes appropriées aux biens de la culture. Aujourd’hui, chez les travailleurs de tous les pays, l’exigence est vivement sentie d’être considérés et traités non comme des êtres sans raison ni liberté, dont on use à son gré, mais comme des personnes, dans tous les secteurs de la vie collective : secteur économico-social, culturel et politique.
 
41 – Une seconde constatation s’impose à tout observateur : l’entrée de la femme dans la vie publique, plus rapide peut-être dans les peuples de civilisation chrétienne ; plus lente, mais de façon toujours ample, au sein des autres traditions ou cultures. De plus en plus consciente de sa dignité humaine, la femme n’admet plus d’être considérée comme un instrument ; elle exige qu’on la traite comme une personne aussi bien au foyer que dans la vie publique.
 
42 – Enfin l’humanité, par rapport à un passé récent, présente une organisation sociale et politique profondément transformée. Plus de peuples dominateurs et de peuples dominés : toutes les nations ont constitué ou constituent des communautés politiques indépendantes.
 
43 – Les hommes de tout pays et continent sont aujourd’hui citoyens d’un Etat autonome et indépendant, ou ils sont sur le point de l’être. Personne ne veut être soumis à des pouvoirs politiques étrangers à sa communauté ou à son groupe ethnique. On assiste, chez beaucoup, à la disparition du complexe d’infériorité qui a régné pendant des siècles et des millénaires ; chez d’autres, s’atténue et tend à disparaître, au contraire, le complexe de supériorité, issu de privilèges économiques et sociaux, du sexe ou de la situation politique.
 
44 – Maintenant, en effet, s’est propagée largement l’idée de l’égalité naturelle de tous les hommes. Aussi, du moins en théorie, ne trouve-t-on plus de justification aux discriminations raciales. Voilà qui représente une étape importante sur la route conduisant à une communauté humaine établie sur la base des principes que Nous avons rappelés. Maintenant, à mesure que l’homme devient conscient de ses droits, germe comme nécessairement en lui la conscience d’obligations correspondantes : ses propres droits, c’est avant tout comme autant d’expressions de sa dignité qu’il devra les faire valoir, et à tous les autres incombera l’obligation de reconnaître ces droits et de les respecter.
 
45 – Et une fois que les normes de la vie collective se formulent en termes de droits et de devoirs, les hommes s’ouvrent aux valeurs spirituelles et comprennent ce qu’est la vérité, la justice, l’amour, la liberté ; ils se rendent compte qu’ils appartiennent à une société de cet ordre. Davantage : ils sont portés à mieux connaître le Dieu véritable, transcendant et personnel. Alors leurs rapports avec Dieu leur apparaissent comme le fond même de la vie, de la vie intime vécue au secret de l’âme et de celle qu’ils mènent en communauté avec les autres.
 
Nécessité de l’autorité ; son origine divine
 
46 – A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient dans une mesure suffisante au bien commun. Leur autorité, ils la tiennent tout entière de Dieu, comme l’enseigne sait Paul : « Il n’est pas d’autorité qui ne vienne de Dieu. » (Romains 13, 1-6) La doctrine de l’Apôtre est ainsi expliquée par saint Jean Chrysostome : « Que voulez-vous dire ? Chacun des gouvernants serait-il établi par Dieu dans sa fonction ? Ce n’est pas ce que j’affirme, répondra Paul ; je ne parle pas des individus revêtus du pouvoir, mais proprement de leur mandat. Qu’il y ait des pouvoirs publics, que des hommes commandent, que d’autres soient subordonnés et que tout n’arrive pas au hasard, voilà, dis-je, ce qui est le fait de la sagesse divine. » (Homélie XXIII) En d’autres termes : puisque Dieu a doté de sociabilité la créature humaine ; mais puisque nulle société « n’a de consistance sans un chef dont l’action efficace et unifiante mobilise tous les membres au service des buts communs, toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse. Celle-ci, tout comme la société, a donc pour auteur la nature et du même coup Dieu lui-même. » (Immortale Dei, 1er novembre 1885)
 
47 – Pour autant l’autorité n’échappe point à toute loi. Elle consiste précisément dans le pouvoir de commander selon la droite raison. Dès lors toute sa force impérative lui vient de l’ordre moral, lequel à son tour repose sur Dieu, son principe et sa fin. « L’ordre absolu des vivants et la fin même de l’homme – de l’homme libre, sujet de devoirs et de droits inviolables, de l’homme origine et fin de la société – regardent aussi la cité comme communauté nécessaire et dotée de l’autorité ; sans celle-ci pas d’existence, pas de vie pour le groupe… Suivant la droite raison et surtout la foi chrétienne, cet ordre universel trouve nécessairement son origine en Dieu, être personnel et notre Créateur à tous ; par conséquent les titres des pouvoirs publics se ramènent à une certaine participation de l’autorité divine elle-même. » (Radio message de Noël, 1944)
 
48 – Aussi bien, si le pouvoir s’appuie exclusivement ou principalement sur la menace et la crainte des sanctions pénales ou sur la promesse des récompenses, son action ne réussit aucunement à susciter la recherche du bien commun ; y parviendrait-il, ce serait d’une façon étrangère à la dignité de l’homme, être libre et raisonnable. L’autorité est avant tout une force morale. Ses détenteurs doivent donc faire appel, en premier lieu à la conscience, au devoir qui incombe à tous de servir avec empressement les intérêts communs. Mais les hommes sont tous égaux en dignité naturelle ; aucun n’a le pouvoir de déterminer chez un autre le consentement intime ; ce pouvoir est réservé à Dieu, le seul qui scrute et qui juge les décisions secrètes de chacun.
 
49 – Par suite, l’autorité humaine ne peut lier les consciences que dans la mesure où elle se relie à l’autorité de Dieu et en constitue une participation (Diuturnum, 29 juin 1881).
 
50 – Ainsi se trouve garantie la dignité même des citoyens, car l’obéissance qu’ils rendent aux détenteurs de l’autorité ne va pas à des hommes comme tels ; elle est un hommage adressé à Dieu, Créateur et Providence, qui a soumis les rapports humains à l’ordre qu’il a lui-même établi. Et, bien loin de nous abaisser en rendant à Dieu le respect qui lui est dû, nous ne faisons en cela que nous élever et nous ennoblir, puisque c’est régner que servir Dieu.
 
51 – L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu. Si donc il arrive aux dirigeants d’édicter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et par conséquent, à la volonté divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes, 5, 29). Bien plus, en pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression. « La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il appert qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Mais dans la mesure où elle s’écarte de la raison, on la déclare injuste, elle ne vérifie pas la notion de loi, elle est plutôt une forme de la violence. » (Somme théologique, question 93)
 
52 – L’origine divine de l’autorité n’enlève aucunement aux hommes le pouvoir d’élire leurs gouvernants, de définir la forme de l’Etat ou d’imposer des règles et des bornes à l’exercice de l’autorité. Ainsi la doctrine que Nous venons d’exposer convient à toute espèce de régime vraiment démocratique.
 
La réalisation du bien commun, raison d’être des pouvoirs publics
 
53 – Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l’ensemble. Et c’est en harmonie avec celui-ci qu’ils doivent poursuivre leurs propres intérêts et suivre, dans leurs apports – en biens et en services – les orientations que fixent les pouvoirs publics selon les normes de la justice et dans les formes et limites de leur compétence. Les actes commandés par l’autorité devront être parfaitement corrects en eux-mêmes, d’un contenu moralement bon, ou tout au moins susceptible d’être orienté au bien.
 
54 – Toutefois, la fonction gouvernementale n’ayant de sens qu’en vue du bien commun, les dispositions prises par ses titulaires doivent à la fois respecter la véritable nature de ce bien et tenir compte de la situation du moment. »

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