Une approche fondée sur la theorie critique remet en question l’idée que l' »objectivité » est souhaitable, voire possible. Elle suppose alors que la connaissance est socialement construite. Lorsque nous disons que les connaissances sont socialement construites, nous voulons dire qu’ils reflètent les valeurs et les intérêts de ceux qui les produisent. Ce terme reflète l’idée que tous les contenus et tous les moyens de connaissance sont liés au contexte social. Les enseignants qui s’appuient sur la theorie critique guident leurs étudiants dans un examen de la relation entre leurs cadres de référence et les connaissances qu’ils acceptent et reproduisent.
Les principes de la theorie critique dans la démarche des professeurs
En comprenant que la connaissance est socialement construite, les éducateurs « critiques » guident les étudiants selon au moins trois dimensions. Primo, dans l’analyse critique des revendications de connaissances présentées comme neutres, universelles et « objectives ». Par exemple, la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb. Secundo, en faisant une réflexion critique sur leur propre perspective sociale et leur subjectivité. Par exemple, comment le mythe de Christophe Colomb et l’identité raciale de l’enseignant influencent ce qu’il enseigne sur l’histoire de l’Amérique du Nord. Tertio, en développant les compétences permettant de voir, d’analyser et de contester la domination idéologique. Par exemple en réécrivant les plans de cours ou les programmes scolaires existants afin de refléter les complexités du mythe de la découverte et les investissements dans ce mythe.
Il s’agit d’être conscient des pouvoirs systémiques
Être « critique » dans le domaine de la Justice sociale consiste à être conscient du pouvoir (systémique) et y résister, perturber les systèmes et les modes de pensée établis. C’est une forme d’activisme visant à mettre fin à l’oppression systémique en critiquant tous les systèmes et en les sapant (voir aussi subvertir, déconstruire, perturber, démanteler et révolution). Il ne s’agit pas du même sens de l’adjectif « critique » que dans « esprit critique » ; en fait, il est plus spécifique.
La theorie critique s’inspire de Kant mais surtout de Karl Marx
L’inspiration la plus lointaine de l’approche critique remonte à Kant dans sa Critique de la raison pure mais elle s’inspire surtout de Karl Marx. Marx considérait la critique du système lui-même comme la première étape essentielle pour refaire le monde, comme dans ce passage : « Je parle d’une critique impitoyable de tout ce qui existe, impitoyable à la fois dans le sens où elle ne craint pas les résultats auxquels elle aboutit et dans le sens où elle craint tout aussi peu le conflit avec les pouvoirs en place. » Par conséquent, la critique au sens où l’entendent les différents types de theorie critique, dont la Justice Sociale, est destructive plutôt que constructive, et ses moyens et buts sont hautement interprétatifs et tendent à être ambigus. La theorie critique s’attache davantage à problématiser et à chercher des imperfections du système, qu’à toute autre activité, en particulier à produire quelque chose de constructif.
L’ambiguïté de cette approche de la connaissance s’est accrue avec les postmodernes tel Foucault et Derrida
L’ambiguïté de l’objectif dans les méthodes « critiques » n’a fait que s’intensifier sous l’influence des postmodernes, puis de l’activité universitaire sur la Justice Sociale d’aujourd’hui, qui s’inspirent davantage du postmodernisme que du marxisme. Alors que les marxistes considéraient la connaissance comme un résultat du processus critique, les postmodernistes et les spécialistes de la Justice Sociale considèrent la connaissance comme plurielle et relationnelle – une composante gnostique de l’expérience vécue.
Avec la theorie critique, les vérités sont nombreuses
La vérité n’est pas l’objectif d’une méthode critique, en particulier des méthodes critiques postmodernes, car on pense qu’il existe de nombreuses vérités d’égale valeur, chacune étant un artefact de la culture qui la produit . Les « vérités » qui intéressent le plus les défenseurs de la justice sociale sont celles qui sont considérées comme appartenant aux personnes opprimées et marginalisés, dont « les vérités » ont été négligées, exclues ou dominées.
Le prisme épistémologique est la « dynamique du pouvoir »
Par conséquent, les approches « critiques » cherchent à interpréter les textes et les situations à travers le prisme de la dynamique du pouvoir et à découvrir l’oppression inhérente au système (en particulier les » systèmes » du libéralisme, de la science et de la méritocratie). L’existence de cette oppression systémique est axiomatique : l’oppression est considérée comme toujours présente, même si elle n’est pas apparente, et les interprétations théoriques qui la révèlent sont acceptées comme importantes et faisant autorité. Évidemment, ce n’est pas la même chose que la vérité.
Les approches de theorie critique portent sur les marqueurs d’identité
Les approches critiques sont souvent un pinaillage visant à trouver quelque chose à redire (voir également la lecture attentive et l’analyse du discours). Elles scrutent partout la race et le genre et d’autres marqueurs d’identité, même s’il n’y a là pas de pertinence apparente, parce qu’on croit qu’ils sont toujours présents et toujours pertinents. Comme nous l’avons mentionné, ces méthodes ont tendance à être très interprétatives, et souvent ne produisent aucune bonne façon de faire quoi que ce soit de concret (en fait c’est plus ou moins le but, justement !). Il s’agit en somme d’une critique impitoyable de tout ce qui existe (que l’on comprenne ou non les détails, les paramètres, les limites ou les compromis en jeu).
Mais alors, la theorie critique permet-elle sa propre critique ?
Certaines personnes pensent que le terme « critique » ne devrait être appliqué à aucune théorie critique (ni à la Theorie Critique, ni à la « Justice Sociale critique », comme on appelle parfois la Justice Sociale) parce qu’elles n’acceptent pas d’être elles-mêmes critiquées. C’est aussi une façon de dire que le terme « theorie critique » est une sorte de cheval de Troie. Elle a également pour effet de concentrer la théorie plutôt que la corriger. Leurs partisans vous diront que toute theorie critique est infiniment critique envers elle-même. En tant que telle, la Théorie n’est pas critique envers les hypothèses sous-jacentes de la Théorie sur la dynamique du pouvoir parce qu’elle ne les met pas en doute, mais elle est critique envers sa propre capacité à enraciner ses propres préjugés cachés censés soutenir ces dynamiques de pouvoir.
Les principes de theorie critique sont moins une approche qu’une invitation à penser la recherche comme une forme de résistance
Il s’agit d’une manière d’aborder la connaissance qui, par nature, n’est pas certaine, toujours fluide, enracinée dans les expériences vécues par des personnes aux contextes de vie multiples et informée par le dialogue, la relation et la connexion avec ceux qui ont un intérêt dans la connaissance générée. La recherche critique n’a pas pour but de créer la vérité ; elle vise à considérer le moment et à envisager une façon de voir ce moment d’une manière que nous n’aurions pas pu imaginer. Enfin, il invite dans le processus de recherche une identification active et un engagement avec le pouvoir, avec les systèmes et les structures sociales, les idéologies et les paradigmes qui maintiennent le statu quo. (Source : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0145935X.2017.1327692 )
Voir l’article sur la tolérance.