« Dieu aime celui qui donne joyeusement »
Le Père, en se révélant à nous, nous a donné le Fils dans une réalité bien précise et structurée : il est né cette nuit-là, dans cette situation donnée, il a été connu par des gens précis, il a été circoncis comme les autres juifs, on lui a donné un nom qui avait été établi.
Le fragment de monde dont est fait l’aujourd’hui et l’ici que nous vivons marque donc la forme de l’incarnation. Une adhérence totale : « En tous points rendu semblable aux hommes ».
On mesure l’importance de cette Histoire, le Christ en s’incarnant est venu apporter la Paix dans ce monde, cette Paix que nous espérons encore pour résoudre le conflit entre Israël et les Palestiniens aujourd’hui.
Les termes de la situation dans laquelle Dieu nous place sont si précis, la forme dans laquelle cette foi s’incarne est si concrète que le climat, le besoin du monde, de la société dans laquelle on se trouve, tout cela marque la forme de notre témoignage, la forme de la présence de notre foi.
Une foi dans le monde : dans notre temps, ce « dans » est tellement réclamé par le dessein de Dieu qu’il en devient inévitable. Pour être, il faut être dedans.
Se retirer du monde est impossible en ce moment historique.
Quoi qu’il en soit, malgré les apparences, c’est uniquement l’espérance, l’espérance que donne la foi, qui permet d’incarner.
On croit être concret parce qu’on agit, et on est peut-être attristé de soi-même ou des autres parce qu’on n’agit pas.
On dirait que l’action est ce qui donne sa consistance à notre foi, et c’est une équivoque terrible.
Si elle ne naît pas de la foi et de l’espérance, l’incarnation ( ou l’action) est un refuge, une intolérance de la croix, la prétention d’une certaine forme d’appui, c’est « ne pas faire le saut » et « jouer sur deux tableaux ». L’incarnation(ou l’action) naît de la foi, elle vit de l’espérance, elle est charité ; autrement, elle ne vaut rien et n’apporterait pas la paix.
L’incarnation (ou l’engagement) dans laquelle le sacrifice est consommé est la charité, c’est l’annonce d’une réalité nouvelle.
Foi, espérance, charité, sont les principes par lesquels le surnaturel, qui est en quelque sorte invisible en nous, devient expérimentable, ce sont les principes d’une nouvelle identification à Dieu, d’une nouvelle naissance en nous, d’une unité mystérieuse avec le Christ.
Notre véritable travail nous est suggéré par l’attitude des bergers : « Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant » (Lc 2, 17). « Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé » (Lc 2, 20).
Le Christ s’est communiqué à nous pour la mission ; et ce qu’Il nous a communiqué, nous le manifestons comme les bergers : le manifester est exactement le même geste que le louer et le glorifier.
La joie de Noël naît et s’exprime comme la possession de quelque chose – l’annonce – qui ne nous appartient pas, mais qui vient d’un autre : une joie qui est un amour pur, un altruisme pur. Voilà pourquoi Noël est la fête de l’enfant – au sens évangélique du terme –, c’est-à-dire de la simplicité.
Dans la capacité de se réjouir pour un autre que soi se clôt le cercle du Dieu créateur et du Dieu rédempteur, car cette simplicité ne fait que laisser transparaître ce que nous sommes au fond : attente d’un autre. S’il n’y avait pas en nous ne serait-ce qu’un brin de cette simplicité, nous ne pourrions pas accueillir Dieu, ni nous apercevoir que l’annonce est vraie, qu’elle correspond à nous et à notre attente
La béatitude, la vérité de la vie chrétienne dépend uniquement de cette pureté à accepter et à vivre l’annonce.
L’incarnation révèle le mystère et marque l’Histoire de l’humanité par la force du sens que nous pouvons acquérir en la reconnaissant, se situant donc à la racine de notre personnalité : une nouvelle parole, un nouveau discours commence dans notre vie. Ainsi, cet événement représente le moment originel de notre vie chrétienne, non pas du point de vue ontologique (c’est le Baptême) mais du point de vue de l’autorité (c’est l’événement qui fait comprendre le sens même du Baptême).
Notre fonction, la contribution de notre personne, de notre richesse spécifique, la communion dans laquelle notre personnalité repose et s’alimente, à laquelle notre moi se réfère avec la même entièreté avec laquelle il se saisit, la communion à laquelle nous puisons l’inspiration, sont déterminées justement par ce type d’événement révélateur, qui fait jaillir le sens de notre expérience chrétienne.
Notre spécificité et notre communion ne sont alternatives à rien, mais elles rendent possible, raisonnable, pleine de sympathie notre communion avec toute chose, notre engagement dans le monde. Cette spécificité et cette communion sont les caractéristiques constitutives de notre moi, et non des facteurs externes.
Tout comme nous évoluons, agissons, vivons avec notre visage, de même nous agissons et vivons avec cette inspiration éclairante et cette communion inspirante, nées de l’événement révélateur, de l’annonce reçue. C’est un type d’événement qui éclaire aussi les faits les plus constitutifs de notre existence personnelle, si bien que nous faisons toujours ce qui « plaît » à ce fait, et c’est dans le sillage de cette annonce que nous agissons ; notre action communique, elle est missionnaire de cette Annonce.
Autrement, quel sens y aurait-il à se consacrer aux autres ? Ce serait une série de réactions dépourvues de sens, une activité dont le critère résiderait, au fond, dans les réactions de notre moi. Tandis que le Père fait tout pour un dessein, il fait toute chose en fonction du tout.
Si le premier terme est l’annonce, l’autre est le témoignage.
Les fêtes qui suivent immédiatement, dans la liturgie de Noël, réalisent justement cette idée de témoignage de la venue du Seigneur dans le monde, et elles trouvent dans l’Épiphanie le moment originel : la manifestation du Seigneur au monde entier, parce qu’il vient pour le monde entier.
Toute notre vie se résume, pour son sens, au fait de lui rendre témoignage, de communiquer à tous qu’Il est venu. Le chrétien, en effet, n’est pas meilleur que les autres, c’est celui qui a reçu la mission de communiquer aux autres l’annonce, la joie de Noël. La tâche du chrétien, en tant que telle, n’est donc pas de révolutionner les organisations sociales et politiques, mais de communiquer l’annonce, une annonce qu’on ne peut communiquer si on ne se fait pas compagnon de l’homme. D’où l’engagement vis-à-vis de tout ce qui concerne l’homme – y compris les organisations sociales et politique – mais qui est une conséquence et un moyen, car la valeur de l’engagement de l’homme vient de la transcendance.
La conscience de la disproportion qu’il y a entre notre action et le point eschatologique vient de là. Notre tâche est ; c’est donc une passion de témoignage qui doit nous faire être, comme saint Paul, tout à tous.
Dans la période de Noël, le rappel réside dans la Parole qui s’est communiquée à nous, la Parole qui construit le monde, qui édifie.
Le temps de l’Avent est propice à l’engagement, car il est la promesse que toute forme de don à un sens pour notre vie car il exprime une attente et une espérance.
L’attente de rencontrer le Christ le jour de Noël pour les chrétiens et ensuite dans chaque geste, dans chaque circonstance quotidienne, en prenant pour modèle la disponibilité qui habitait le cœur de Marie à l’annonce de l’Ange ; mais aussi espérance, certain que l’action de l’IEP recherche le bien, le bonheur et la vérité.
Votre don renforce la présence de l’IEP comme œuvre missionnaire dans les réalités politiques, dans les différents contextes culturels et sociaux, dans les périphéries existentielles demain grâce aux clubs qui se créent partout en France. Nous sommes laïcs et missionnaires, en parfaite adéquation avec notre raison d’être d’inspiration chrétienne.
Avec Noël, une réalité nouvelle, une présence nouvelle est entrée dans l’Histoire et dans le monde. La certitude devient objective.
L’annonce de cette nouveauté de vie, de cette présence, ne nous intéresse que dans la mesure où elle vise entièrement à entraîner aussi chacun de nous. La perspective de l’incarnation est de nous entraîner, nous engager pour le bien commun.
Après Noël, notre présence dans le monde est renouvelée.
L’engagement de l’IEP est la charité : c’est de faire l’unité, défendre l’idée de « Communion », qui est comme l’événement qui perdure, l’objectivation du rapport avec le sens, une communion qui est, pour tout ce que je fais.
Voilà le premier noyau de la charité à travers lequel se détermine aussi la charité envers tout le reste. Si nous n’avions pas d’estime pour cette charité originelle, la naissance du Christ, nous réduirions aussi la charité envers les autres, parce que dans ce cas, elle serait soit plus stupide (moins compréhensive de sa motivation) soit plus individualiste (un activisme naissant au fond d’un choix de notre part).
L’unité du peuple français, doit rester notre projet de « communion » et le lieu de notre espérance.
Nous terminons notre message avec Saint Paul au chapitre 9 de la Deuxième Lettre aux Corinthiens :
« Dieu aime celui qui donne joyeusement ».
Nous vous souhaitons un très joyeux temps de l’Avent !
Ludovic et l’ensemble du Conseil d’Administration